Bordeaux s'engage pour produire plus d'énergie solaire
SOMMAIRE
- Une stratégie solaire ancrée dans la politique locale
- Un budget fléché, un calendrier verrouillé
- Le plan solaire métropolitain : cap sur 28 communes
- Des outils pour accélérer la solarisation
- Le cadastre solaire interactif
- Les coups de pouce financiers
- Les grands projets structurants
- Ombrières solaires : des parkings transformés en mini-centrales
- La centrale flottante de Blanquefort : 23,8 GWh/an sur une ancienne gravière
- Délaissés routiers de la rocade A630 : 7 ha à équiper dès 2026
- Les toits des écoles et piscines, vitrines pédagogiques
- Euratlantique : un gisement solaire XXL
- Gouvernance et coalition locale
- L'Alliance de Bordeaux pour l'énergie solaire
- Place aux citoyens et aux coopératives
- Les zones d'ombre de la révolution solaire bordelaise
La transition énergétique a engagé un véritable compte à rebours. La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) fixe à la France le cap de 100 GW de solaire installés d'ici 2050 ; la loi Climat, elle, vise la neutralité carbone à la même échéance. Dans ce marathon climatique, chaque territoire est sommé d'accélérer la cadence.
À Bordeaux, l'appel est entendu. Ville et Métropole se sont proclamées "territoire solaire" avec l'ambition d'inonder toitures, parkings et friches de panneaux photovoltaïques. Objectif : couvrir une part croissante de la consommation locale et faire du soleil un véritable levier de décarbonation.
Quel est le plan ? Quels partenariats publics-privés sont déjà signés ? IMMO9, votre spécialiste de l'immobilier neuf à Bordeaux, vous dresse l'état des lieux des engagements politiques, des outils d'accompagnement et des grands chantiers en cours.
Une stratégie solaire ancrée dans la politique locale
La Ville de Bordeaux a placé le photovoltaïque au cœur de son programme municipal 2020-2026. Annoncé dès la campagne et réaffirmé lors d'un point d'étape en avril 2025, le plan prévoit d'équiper 60 000 m² de toitures publiques - écoles, piscines, centres techniques, immeubles municipaux – d'ici la fin du mandat. Les appels d'offres lancés par la direction du patrimoine viseront une puissance cumulée d'environ 12 MWc, soit l'équivalent de la consommation électrique annuelle de 5 000 foyers hors chauffage.
Un budget fléché, un calendrier verrouillé
- Printemps 2025 : sélection des installateurs pour les premiers lots (piscine Judaïque, groupe scolaire Belcier, hangar des services techniques).
- 2026 : livraison des 40 000 m² prioritaires ; les 20 000 m² restants seront raccordés au fil des réhabilitations de toiture. Le financement mêle fonds municipaux, Certificats d'Économie d'Énergie et tiers-investissement, le tout pour un budget d'environ 18 millions d'euros.
Le plan solaire métropolitain : cap sur 28 communes
Bordeaux Métropole a, de son côté, adopté un plan solaire élargi :
- Parkings et ombrières : conversion d'un demi-million de mètres carrés de parkings publics et privés à l'horizon 2030.
- Équipements sportifs et culturels : chaque nouvelle couverture ou rénovation fera l'objet d'une étude PV systématique.
- Phase 1 (2025-2027) : installation de panneaux sur 30 écoles réparties dans 15 communes, pour une puissance cible de 9 MWc.
Au total, la métropole vise 45 MWc de puissance solaire supplémentaire à l'horizon 2030, soit près de 52 GWh d'énergie propre injectés sur le réseau - l'équivalent de la consommation électrique (hors chauffage) de 200 000 foyers. Un bond en avant qui place Bordeaux dans le peloton de tête des grandes métropoles françaises engagées dans la course au kilowattheure renouvelable.

Des outils pour accélérer la solarisation
Pour passer du discours à la pose effective de panneaux, Bordeaux mise sur des outils concrets. Entre cartographie interactive et coups de pouce financiers, la métropole veut lever un à un les freins techniques et économiques.
Le cadastre solaire interactif
Lancé à l'automne 2024, le cadastre solaire de Bordeaux Métropole a changé la donne : en quelques clics, particuliers, syndics et PME visualisent le potentiel photovoltaïque de leur toiture, l'ensoleillement moyen, la production estimée et l'amortissement d'un projet.
- Fonctionnement : l'outil agrège données LiDAR, météo et orientations de toits pour fournir un scénario précis : surface exploitable, kWh annuels, économie carbone.
- Premier bilan : en un an, près de 18 000 simulations ont été lancées, dont 45 % par des copropriétés et 30 % par des artisans ou TPE. Plusieurs syndics ont déjà transmis les rapports aux installateurs pour chiffrage, preuve que l'outil amorce une dynamique concrète.
Les coups de pouce financiers
La Métropole ne mise pas que sur la pédagogie. Avec son dispositif Solévent, elle subventionne jusqu'à 200 €/kWc (kilowatt-crête : unité de mesure utilisée pour parler de la puissance d’une installation solaire) installé sur les toits tertiaires et publics ; les coopératives citoyennes peuvent, elles, bénéficier d'une avance remboursable sans intérêt. Un appel à projets annuel flèche par ailleurs les parkings, écoles et équipements sportifs, avec un bonus pour l'autoconsommation collective.
- Effet levier : selon la direction énergie, chaque euro d'aide publique attire 5 € d'investissement privé. Résultat : plus de 25 MWc de projets, publics et privés confondus, ont déjà été identifiés ou déposés depuis la mise en place des aides.
- Priorités : les hangars logistiques et bâtiments tertiaires des zones d'activités (Bassin à Flot, Bordeaux Nord) figurent en haut de la liste, tout comme les coopératives citoyennes qui prévoient de mutualiser la production entre voisins.

Les grands projets structurants
Ombrières solaires : des parkings transformés en mini-centrales
Bordeaux-Mérignac sera la première plateforme à passer à grande échelle : l'aéroport vient de valider l'installation d'ombrières photovoltaïques sur 14 ha de parkings, soit une puissance cible d’environ 6 MWc et une mise en service fin 2026.
Côté distribution, trois enseignes de la métropole (Mérignac Soleil, Bègles d'Arcins, Lormont) ont engagé des partenariats avec la SEM Énergies Bordeaux pour couvrir 250 000 m² d'asphalte. Les ombrières ne se contentent pas de produire : elles offrent de l'ombre aux usagers et réduisent jusqu'à 8 °C la température intérieure des véhicules lors des pics d'été, argument de vente précieux pour les commerces.
La centrale flottante de Blanquefort : 23,8 GWh/an sur une ancienne gravière
Sur les plans, le projet Neoen occuperait 11,5 hectares d'eau dans une sablière désaffectée. Production annoncée : 23,8 GWh/an, soit la consommation électrique (hors chauffage) de près de 10 000 habitants.
Mais le dossier divise : la mairie de Blanquefort réclame un déplacement du périmètre "trop visible" depuis les coteaux, quand le porteur de projet assure que les berges seront renaturées. L'enquête publique est programmée pour l'automne 2025 : si elle aboutit, les flotteurs pourraient être ancrés dès 2027.
Délaissés routiers de la rocade A630 : 7 ha à équiper dès 2026
La préfecture a lancé un appel à manifestation d'intérêt pour solariser talus et échangeurs inutilisés de l'A630. Sept hectares sont identifiés, avec un raccordement direct au poste source de Bruges. Les lauréats - consortiums privés ou sociétés citoyennes – seront choisis mi-2025 pour une phase pilote en 2026, avant éventuelle généralisation sur d'autres portions de rocade.
Les toits des écoles et piscines, vitrines pédagogiques
Le programme municipal aligne déjà ses premières briques :
- École Louise-Michel (2024) : 400 m² de panneaux, production en temps réel affichée dans le hall pour les élèves.
- Groupe scolaire Belcier (2025) : 300 kWc sur les toits neufs, intégrés au plan d'enseignement scientifique.
- Piscines Judaïque et Grand-Parc (2026) : couplage panneaux + pompes à chaleur pour chauffer les bassins.
Euratlantique : un gisement solaire XXL
L'établissement public d'aménagement Bordeaux Euratlantique (EPA) veut lui aussi brancher son gigantesque chantier urbain sur le photovoltaïque. Signataire, en juin 2024, de l'Alliance de Bordeaux pour l'énergie solaire, l'établissement a commandé au bureau d'études Vizea une cartographie précise du potentiel solaire sur les 738 hectares de l'OIN. Plus de 100 000 MWh par an pourraient être produits, soit l'équivalent de la consommation de 50 000 foyers.
- 40 % du gisement repose sur des toitures déjà livrées ou en cours de chantier ; le reste provient des programmes à venir (logements, bureaux, halle logistique).
- Les premiers objectifs chiffrés seront soumis au conseil d'administration début 2025 ; ils serviront de boussole pour les permis de construire encore à instruire.
Valérie Lasek, directrice de l'EPA, l'admet : le chiffre devra être ajusté aux contraintes réglementaires et techniques, mais il ouvre la voie à une scolarisation massive du nouveau quartier
. Les équipes planchent déjà sur des toitures mixtes "végétalisées + panneaux " et sur un modèle économique capable de "massifier les installations" sans grever la rentabilité des promoteurs.
Euratlantique pourrait devenir, à l'horizon 2030, l'un des premiers quartiers d'affaires français intégralement alimenté par une production solaire locale.

Gouvernance et coalition locale
L'Alliance de Bordeaux pour l'énergie solaire
Pour accélérer la pose de panneaux, la mairie n'avance pas seule. En 2024, elle a réuni collectivités, bailleurs sociaux, Chambre de commerce et grandes entreprises au sein de l'Alliance de Bordeaux pour l'énergie solaire. Chaque signataire s'engage sur des objectifs chiffrés :
- Ville et Métropole : 60 000 m² de toitures publiques équipées d'ici 2026, 45 MWc métropolitains en 2030.
- Bailleurs sociaux : 6 000 logements dotés de toits PV ou d'ombrières d'ici 2028.
- Secteur privé : 20 MWc supplémentaires sur sites tertiaires et industriels.
Une clause de suivi annuel oblige les membres à publier, chaque printemps, leur tableau de bord : surface réellement couverte, puissance raccordée, émissions évitées. Les chiffres sont débattus en séance publique pour maintenir la pression.
Place aux citoyens et aux coopératives
La dynamique s'appuie aussi sur les habitants. La SEM Solaire Bordeaux Métropole Énergie ouvre son capital aux particuliers : quiconque peut souscrire une part à 100 €, participer aux assemblées et toucher un dividende lié à la production. Trois centrales citoyennes tournent déjà :
- Belcier Sud : 180 kWc, 70 % d'énergie autoconsommée par les copropriétaires.
- École Jules-Ferry : production mutualisée entre la cantine, la mairie de quartier et 40 riverains.
- Ombrières de la cité Paul-Boncour : revenus réinjectés dans la rénovation énergétique des halls d'immeubles.
Les zones d'ombre de la révolution solaire bordelaise
Si la Métropole encourage le solaire, elle doit composer avec les règles d'urbanisme – et avec le regard vigilant des Architectes des Bâtiments de France (ABF). Dans le secteur sauvegardé du centre historique, chaque panneau visible depuis la rue nécessite un avis favorable : les "toits classés du Triangle d'or ou des quais XVIIIème demeurent presque intouchables. Résultat : les projets se décalent vers les faubourgs ou choisissent des modules "intégrés" affleurant à la tuile, plus coûteux mais acceptables sur le plan esthétique. Les ABF prévoient, début 2026, un guide ad hoc pour gagner du temps dans l'instruction des dossiers.
Autre front de débat : l'impact visuel des grandes installations. Le projet de centrale flottante de Blanquefort cristallise les tensions : associations de riverains et défenseurs des zones humides redoutent un "miroir de silice" visible depuis les coteaux viticoles. Les ombrières géantes des parkings, elles, sont saluées pour l'ombre qu'elles apportent mais interrogent sur la qualité architecturale : la Fédération des architectes d'Aquitaine réclame des gabarits "moins aéroportuaires". Les réunions d'enquête publiques de l'automne 2025 serviront de test de popularité, les porteurs promettent revégétalisation des abords et chartes chromatiques.
Dernier verrou, plus technique : la capacité du réseau. Sur plusieurs postes source (Bruges, Artigues, Pessac), Enedis a déjà atteint le plafond d'injection horaire. Les nouveaux développeurs doivent réserver leur file d'attente 18 à 24 mois à l'avance, sous peine de report. Pour lever le frein, la Métropole travaille sur trois pistes :
- Les batteries territoriales : un appel à un projets vise 20 MWh de stockage stationnaire d'ici 2027.
- Des micro-réseaux en autoconsommation : les toits d'écoles alimentent directement cantines et gymnases proches, limitant l'injection sur le réseau public.
- L'agrivoltaïsme périurbain : panneaux sur serres maraichères à Ambarès, raccordés à un autre poste source moins saturé.
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