Grand Parc Bordeaux : 281 M€ pour transformer le quartier
SOMMAIRE
- Un grand ensemble des années 1960 au cœur de Bordeaux
- Une convention de 281 millions d'euros pour transformer le quartier
- La réhabilitation GHI : un modèle primé dans toute l'Europe
- Les chantiers en cours : tours, résidences et réseau de chaleur
- Le parc paysager : 10 hectares de verdure réinventés
- Le centre commercial Europe : un chantier en suspens
Longtemps promis à la démolition, le Grand Parc échappe au sort des grands ensembles français. Ce quartier sorti des marais bordelais dans les années 1960 fait l'objet d'une mue sans précédent. La convention signée début 2025 entre la Ville de Bordeaux, la Métropole et quatre bailleurs sociaux mobilise 281 millions d'euros pour réhabiliter 3 500 logements, remodeler le parc paysager et verdir le réseau de chaleur. Fin des travaux prévue en 2035.
Un grand ensemble des années 1960 au cœur de Bordeaux
Le Grand Parc a poussé sur d'anciens marécages. Jusqu'à la fin des années 1950, le secteur nord de Bordeaux n'était qu'un enchevêtrement de cressonnières et de terrains gorgés d'eau. La crise du logement de l'après-guerre a précipité sa métamorphose. En 1959, la Ville lance un chantier colossal : 4 000 logements HLM sur 60 hectares. Les travaux s'achèvent en 1975. Au centre du quartier, un parc de 11 hectares (la même superficie que le Jardin Public) accueille crèche, gymnases, piscine et centre social. Près de 11 000 habitants y résident aujourd'hui, dans des logements détenus à 90 % par des bailleurs sociaux.
Situé dans l'enceinte des boulevards, le quartier fait partie du périmètre classé au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2007. En 2015, il obtient le label « Architecture contemporaine remarquable » et le statut de quartier prioritaire de la politique de la ville. Une double reconnaissance patrimoniale et sociale qui résume le paradoxe du Grand Parc : un héritage à préserver, un territoire fragile qui appelle des investissements massifs.
Une convention de 281 millions d'euros pour transformer le quartier
Le 14 février 2025, la Ville de Bordeaux a paraphé un document stratégique : la convention pluriannuelle de renouvellement urbain du Grand Parc. L'enveloppe atteint 281 millions d'euros. Autour de la table, Bordeaux Métropole et les quatre bailleurs sociaux du quartier (Aquitanis, InCité, CDC Habitat et Vilogia). Cette alliance scelle dix ans de réflexion collective entamée en 2011, lorsque les partenaires ont commandé une étude urbaine pour repenser l'aménagement du secteur.
Exit la politique de la table rase qui a défiguré tant de grands ensembles français depuis les années 2000. Ici, on réhabilite plutôt qu'on démolit. Pas moins de 3 500 logements feront l'objet de travaux de rénovation. Seules 56 unités seront détruites, quand près de 1 000 habitations neuves viendront compléter l'offre. Dix-sept voies d'accès seront requalifiées pour améliorer la desserte du quartier et ses connexions avec le centre-ville, accessible en quelques stations de tramway (ligne C).
Le projet s'appuie sur un plan guide validé en mars 2014, puis actualisé en 2016, 2018 et 2022 pour intégrer les évolutions du contexte urbain. L'Atelier du Grand Parc, instance de concertation, réunit régulièrement bailleurs, acteurs économiques, associations et résidents.
Le calendrier s'étire jusqu'en 2035. Une décennie de chantiers successifs, orchestrés par la mission renouvellement urbain de Bordeaux Métropole. La Maison du projet, installée au cœur du centre commercial Europe, accueille les habitants qui souhaitent suivre l'avancement des travaux ou s'impliquer dans les décisions.
La réhabilitation GHI : un modèle primé dans toute l'Europe
Trois barres d'immeubles du Grand Parc ont failli disparaître. Les bâtiments G, H et I (rebaptisés Gounod, Haendel et Ingres) figuraient sur la liste des démolitions programmées au début des années 2000. Leur inscription dans le périmètre UNESCO a suspendu la sentence. En 2008, le nouveau directeur d'Aquitanis, Bernard Blanc, décide de changer de cap : plutôt que raser, il fera rénover. Pour mener cette opération, il sollicite un trio d'architectes : Anne Lacaton, Jean-Philippe Vassal et Frédéric Druot, rejoints par Christophe Hutin.
Sur les façades sud des trois immeubles, une charpente métallique vient prolonger chaque appartement. Résultat : des jardins d'hiver de trois mètres de profondeur, suivis de balcons de 80 centimètres. Chaque logement gagne environ 20 m² d'espace supplémentaire. Le chantier, livré en 2016, a transformé 530 logements pour 27,2 millions d'euros hors taxes, soit environ 51 000 € par appartement. Les travaux ont été réalisés en site occupé : les locataires n'ont pas déménagé, leurs loyers n'ont pas augmenté.
Le 10 avril 2019, le projet décroche le prix Mies van der Rohe, plus haute distinction européenne en architecture. Le jury a salué une approche qui « met au défi le parc de logements européen de l'après-guerre, en utilisant des moyens réduits pour créer un effet maximum ».
Les chantiers en cours : tours, résidences et réseau de chaleur
Le succès de l'opération GHI a ouvert la voie. Depuis 2024, les grues sont revenues au Grand Parc. Plusieurs chantiers se déploient simultanément, portés par les différents bailleurs du quartier.
Les tours Ravel et Saint-Saëns concentrent l'attention. Ces deux bâtiments de 15 étages, les plus hauts du quartier, n'avaient quasiment pas changé depuis leur construction entre 1964 et 1968. Leurs 204 logements, rachetés par Vilogia en 2021, entrent dans une phase de transformation d'envergure. Les travaux ont démarré fin février 2025 pour une durée de deux ans.
Fidèle à la méthode éprouvée sur les barres GHI, le chantier se déroule sans relogement des locataires. L'objectif principal consiste à améliorer les performances énergétiques des bâtiments et à moderniser les parties communes.
D'autres résidences suivent le mouvement. Aquitanis poursuit la rénovation des « 4 S », quatre immeubles dont les noms commencent par cette lettre. CDC Habitat s'attaque à la barre D et à la résidence Émile Counord. Au total, plusieurs centaines de logements supplémentaires retrouveront une seconde jeunesse d'ici 2030. Le projet Archipel, porté par Eiffage et Jops Conseil, ajoutera des locaux médicaux et de formation au tissu existant.
Sous les pieds des habitants, une autre révolution se prépare. Le réseau de chaleur Grand Parc Énergies fait peau neuve. Bordeaux Métropole a confié à ENGIE Solutions une concession de 25 ans pour étendre et verdir cette infrastructure. Le projet réactive un puits géothermique foré en 1981, complété par une chaufferie biomasse de 4 MW alimentée en bois local. Le réseau passe de 4 à 13 kilomètres de canalisations, de 23 à 81 sous-stations. Il alimentera 6 900 équivalents logements supplémentaires, avec 86 % d'énergies renouvelables. Chaque année, 12 800 tonnes d'équivalent CO2 seront évitées.

Le parc paysager : 10 hectares de verdure réinventés
Au cœur du Grand Parc, un autre Grand Parc. Cet espace vert de 11 hectares constitue l'âme du quartier depuis sa création. La Ville de Bordeaux y consacre 13 millions d'euros pour le transformer. La première phase, livrée en 2021, a vu naître des aires de jeux inédites à Bordeaux, 230 arbres plantés et des allées accessibles aux personnes à mobilité réduite.
La deuxième phase, en cours jusqu'en décembre 2025, concerne la bande sportive et la prairie Nord, avec la création de la « fusée du Grand Parc », espace intergénérationnel inspiré de l'ancienne structure en bois qui trônait jadis dans le parc.
Une troisième phase suivra à partir de 2026, avec notamment l'installation d'une ferme urbaine de 3 500 m². Baptisée « Quartier du Goût », cette exploitation maraîchère sera gérée par une entreprise à but d'emploi dans le cadre du dispositif « Territoire Zéro Chômeur de longue durée ». Une douzaine de personnes en CDI y cultiveront plantes aromatiques et légumes destinés aux habitants. Le Grand Parc renouera ainsi avec ses origines, les fameuses cressonnières des marais de Luze, asséchées il y a soixante-cinq ans.
Le centre commercial Europe : un chantier en suspens
Reste un point noir au cœur du quartier : le centre commercial Europe. La société Ville Envie devait y construire 277 logements et rénover les commerces, mais elle a jeté l'éponge en décembre 2024, invoquant une hausse de 30 % des coûts de construction. Le collectif Urbanité au Grand-Parc avait par ailleurs engagé un recours contre le projet, jugé trop haut pour respecter l'équilibre architectural de la cité. La municipalité doit désormais redéfinir l'avenir de ce site stratégique.
Hervé Koffel
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