Le quartier de la Benauge s'apprête à subir un lifting complet à Bordeaux
SOMMAIRE
Niché sur la rive droite de Bordeaux, le quartier de la Benauge s'est structuré autour des grands ensembles des années 1950, témoins de l'urbanisation d'après-guerre. Aujourd'hui intégré au périmètre stratégique de l'opération d'intérêt national Bordeaux Euratlantique, il s'inscrit dans un paysage en pleine recomposition, à proximité de secteurs en plein essor comme celui de la Bastide.
Le quartier s'apprête désormais à écrire une nouvelle page de son histoire. Classée quartier prioritaire depuis 2015, la Bénauge bénéficie d'un ambitieux programme de renouvellement urbain, soutenu par la Politique de la Ville. Ce projet inclut également les secteurs d'Henri Sellier - Léo Lagrande à Cénon et Jean Jaurès à Floirac et mobilise un investissement de 232 millions d'euros. Objectif : ouvrir le quartier, diversifier son offre de logements en faire un lieu de vie plus attractif, connecté et inclusif.
L'histoire de la Benauge
Bien plus qu'un simple territoire en mutation, la Benauge est un quartier à l'âme affirmée, marquée par une histoire aussi singulière que méconnue. Cette cité emblématique est née dans les années 1950 sur les terres d'un certain Jules Pinçon. À l'époque, cette zone encore marécageuse s'apprête à devenir l'un des projets d'urbanisme les plus ambitieux de la ville. Son nom lui survivra : la cité Pinçon, aux côtés de sa voisine la Cité Blanche, formera ce que l'on appellera la "cité-jardin de la Benauge".
Pensée comme une réponse à la croissance rapide de la population bordelaise d'après-guerre, la Benauge voit sortir de terre deux imposants immeubles de dix étages - surnommés localement les "paquebots" ainsi que six bâtiments de cinq niveaux. L'ensemble accueillera 1 200 logements. Le projet se dotera progressivement d'écoles, d'une rue commerçante, de services de proximité, d'une piscine d'une salle de sport... et même d'un parc central pensé comme un véritable espace de vie.
C'est ici que les enfants grandissent entre les allées et les repères affectifs du quartier : le "Bassin d'Arcachon", dont la forme évoque celle de la célèbre baie, ou encore le "Rond des Mamans", lieu de rencontre quotidien entre générations. La municipalité de l'époque n'était pas peu fière de sa cité modèle, qu'elle présentait volontiers aux délégations étrangères. Le 26 mars 1960, Nikita Khrouchtchev, alors dirigeant de l'Union soviétique, viendra même découvrir ce quartier qu'on voulait exemplaire.
Aujourd'hui encore, la Benauge conserve les traces de cette utopie urbaine des Trente Glorieuses.
Une transformation pensée avec les habitants
Depuis près d'une décennie, la Ville de Bordeaux, en étroite collaboration avec Bordeaux Métropole, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), les bailleurs sociaux (Aquitanis, Domofrance, CDC Habitat) et les communes voisines de Cénon et Floirac, s'attelle à redessiner les contours du secteur Joliot Curie.
Le "plan-guide", véritable colonne vertébrale du réaménagement, a été confié à l'agence Devillers & Associés. Architectes, urbanistes, paysagistes, spécialistes de la programmation commerciale et des infrastructures y ont conjugué leurs expertises pour esquisser un quartier à l'échelle des enjeux contemporains : habiter, circuler, vivre ensemble autrement.
Mais ce projet tire toute sa légitimité de l'implication active de ceux et celles qui vivent le quartier au quotidien. Dès les premières phases, les habitants ont été invités à exprimer leurs attentes à travers des temps de concertation publique. Aujourd'hui, via le Conseil citoyen, ils continuent de participer activement à la transformation du quartier, en formulant des propositions sur des thématiques aussi diverses que l'habitat, l'emploi, l'éducation, la culture, le sport, la mobilité, la vie de quartier ou encore la santé et la solidarité.
Les enjeux du projet de la Benauge

Le projet de transformation de la Benauge s'appuie sur un objectif : réinventer un quartier tout en respectant son identité historique. Pour cela, plusieurs axes structurants ont été définis. Il s'agit d'abord de redynamiser l'activité commerciale de proximité et de moderniser les équipements publics, afin de renforcer l'attractivité et la qualité de vie. Le quartier entend aussi renouer avec l'esprit de la cité-jardin, en offrant aux habitants des logements plus spacieux, mieux conçus, et surtout plus performants sur le plan énergétique.
Parallèlement, le développement d'une économie locale ancrée dans le quotidien et l'ouverture du quartier sur son environnement immédiat - via une reconfiguration des voies et des connexions – visent à désenclaver la Benauge.
Dans cette perspective, la Ville de Bordeaux, aux côtés des bailleurs sociaux, soutient activement des programmes de réhabilitation. Ces derniers visent à requalifier les logements existants, améliorer leur confort thermique et repenser les formes urbaines. Symbole fort de cette évolution : la démolition de la Barre D, remplacée par deux ensembles résidentiels distincts, implantés sur des parcelles voisines. Ce choix architectural permet de préserver l'ouverture des espaces, d'alléger les volumes et d'assurer une meilleure intégration du projet dans le tissu du quartier.
Les grandes transformations en cours
Le projet s'appuie sur un ensemble d'opérations majeures, pensées pour restructurer durablement le quartier et améliorer le quotidien des habitants.
- Réhabilitation en profondeur de la cité Blanche, incluant les tours 1 et 2 ainsi que la barre C, afin d'améliorer le confort et les performances énergétiques des logements existants.
- Poursuite de la rénovation du patrimoine bâti de la cité Pinçon, dans une logique de valorisation du cadre de vie.
- Construction de 720 logements neufs, répartis sur plusieurs parcelles.
- Requalification des entrées du quartier, avec un nouveau centre commercial et des espaces publics repensés pour plus de lisibilité et d'accessibilité.
- Réaménagement des axes majeurs tels que les Boulevards Joliot-Curie, de l'Entre-deux-Mers et les abords de la voie ferrée, afin de désenclaver le quartier et favoriser les continuités urbaines.
- Développement d'un maillage de mobilités douces et de transports en commun, pour reconnecter le Benauge à son environnement et encourager les déplacements durables.
- Transformation du parc de la cité Blanche, avec la création d'un espace public plus ouvert et l'installation d'une ferme urbaine, vecteur de lien social et de sensibilisation à l'environnement.
- Modernisation ou création de 12 équipements publics, représentant 52 millions d'euros : pôle culturel, extension de la crèche, rénovation de l'école, et autres services de proximité à venir.
La caserne de la Benauge transformée en un hôtel lifestyle

Icône méconnue du modernisme bordelais, la caserne des pompiers de la Benauge s'apprête elle aussi à subir une transformation majeure, dans le prolongement de celle du quartier.
Imaginée par les architectes Claude Ferret, Yves Salier et Adrien Courtois, cette caserne pionnière du mouvement fonctionnaliste, influencée par l'école du Bauhaus et les principes de Le Corbusier, incarne une vision audacieuse de la ville d'après-guerre.
Sous l'égide de l'EPA Bordeaux Euratlantique et dans le cadre de la ZAC Garonne Eiffel, sa reconversion est confiée à Eiffage Immobilier, aux côtés de l'agence Atelier Ferret Architectures.
Une reconversion fidèle à l'esprit du lieu
Pensée comme un projet hybride mêlant préservation patrimoniale et renouvellement fonctionnel, la transformation de la caserne s'articule autour de trois axes :
- Restaurer l'identité architecturale d'origine, en valorisant les éléments remarquables : la façade moderniste côté quai, les escaliers circulaires, la salle de conférences, les garde-corps ou encore les bétons apparents seront restaurés en lien étroit avec l'Architecte des Bâtiments de France.
- Redéployer les usages en reconvertissant le bâtiment principal en hôtel lifestyle de 95 chambres, avec bar restaurant en rooftop, espaces événementiels et bureaux. La mythique tour de séchage accueillera un lieu polyvalent, tandis que 26 logements seront réhabilités dans les ailes inscrites aux Monuments historiques.
- Construire dans la continuité, avec un bâtiment neuf de 77 logements, conçu pour s'inscrire harmonieusement dans le tissu urbain, tout en respectant les ambitions sociales du projet : 50 % de logements libres, 40 % de sociaux et 10 % d'intermédiaires.
Un cadre naturel réinventé
Outre les enjeux architecturaux, le projet intègre une forte dimension environnementale. Le site, aujourd'hui largement minéralisé, fera l'objet d'un travail de désimperméabilisation et de végétalisation piloté par le paysagiste Trouillot & Hermel. L'objectif : créer un îlot de fraîcheur urbain, capable de répondre aux défis climatiques tout en favorisant les usages partagés.
Calendrier du projet
2025 – 2027
- Création d'un axe piétons/vélos sécurisé sur l'ancienne piste
- Réaménagement complet du parc de la Cité Blanche
- Restructuration du centre commercial de la Benauge
- Requalification des voies structurantes, notamment les boulevards Jolio-Curie et de l'Entre-deux-Mers, les places et les voiries secondaires
- Lancement de nouveaux programmes de logements diversifiés
- Réhabilitation du patrimoine de logements sociaux géré par Aquitanis
- Construction d'un pôle culturel de quartier
- Aménagement du secteur Léo Lagrange
- Reconstruction de la salle Sellier
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