Crise du logement à Bordeaux : Union pour le logement & présentation d’un problème multidimensionnel
SOMMAIRE
- Une mobilisation collective pour un secteur en crise
- Un soutien partiel, des absents remarqués
- Des chiffres alarmants dans la construction neuve
- Une pénurie de logements à louer
- Simplifier les procédures pour relancer le secteur
- Le parcours du combattant des locataires bordelais
- L'offre de logements sociaux : une saturation inquiétante
Face à une crise de l'offre et de la demande d'une brutalité sans précédent, les acteurs girondins de l'immobilier se mobilisent en créant une association de lobbying : "Union pour le logement en Gironde".
Cette initiative regroupe 9 organisations professionnelles ayant pour objectif commun de formuler des propositions concrètes et de représenter, d'une seule voix, un secteur en grande difficulté, marqué par des niveaux d'activité historiquement bas.
Une mobilisation collective pour un secteur en crise
Neuf organisations professionnelles de l'immobilier se sont réunies pour créer l'Union pour le logement en Gironde, une structure visant à fédérer les efforts pour alerter les pouvoirs publics sur la gravité de la situation. Alors que les chiffres de la construction neuve sont en chute libre, cette association souhaite interpeller les décideurs locaux et nationaux sur l'importance de prendre des mesures urgentes pour redresser la filière.
Sur son profil Linkedin, Mathias Saura, président du groupe Géosat & Medef Gironde publie “il faut sortir de l'ornière actuelle du manque de logement et de l'insuffisance des mises en chantier. Tous mes vœux de réussite pour cette initiative, car sans solution rapide, c'est le mal-logement assuré pour une partie de nos concitoyens girondins.”
Lancée le 9 septembre dans les locaux du Crédit Agricole d'Aquitaine, cette union se veut indépendante de l'initiative nationale "Alliance pour le logement", bien que partageant des objectifs similaires. Ce regroupement girondin marque une étape importante dans la mobilisation régionale, avec l'ambition de devenir une force de proposition face à une crise sans précédent.
Créée au printemps 2023, l'Alliance pour le logement regroupe dix organisations professionnelles du secteur immobilier, parmi lesquelles figurent la Fédération Française du Bâtiment (FFB), l'Union Sociale pour l'Habitat (USH), la Fédération Nationale de l'Immobilier (FNAIM), la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI), le Pôle Habitat FFB, Procivis, l'UNIS, l'UNNE, l'UNSFA et l'UNTEC. La FPI, qui représente près de 700 entreprises de promotion immobilière à travers 17 chambres régionales en métropole et outre-mer, joue un rôle clé en collaborant avec tous les acteurs du secteur et en participant à la rédaction de textes législatifs et réglementaires.
Un soutien partiel, des absents remarqués
Cette nouvelle association rassemble une large palette d'acteurs du secteur immobilier : promoteurs (FPI Nouvelle-Aquitaine), Fédération française du bâtiment (FFB), notaires, aménageurs (Unam), marchands de biens (Synar) et géomètres-experts. Ses membres comptent bien recruter de nouveaux partenaires dans les années à venir. Le secteur du logement social, bien qu'absent de la liste des membres fondateurs, a apporté son soutien à l'initiative. Muriel Boulmier, présidente de l'union régionale HLM, souligne l'importance de cette mobilisation pour garantir la continuité des parcours résidentiels.
Cependant, certains acteurs manquaient à l'appel, notamment les architectes. Philippe de la Bigne, délégué général de l'Ordre des architectes de la région, a confirmé leur engagement sur les questions de qualité et de normes, mais a préféré rester en retrait des aspects économiques. Louis Roland Martin, président de l'Union des architectes de Gironde, a quant à lui exprimé des divergences sur la simplification des normes, insistant sur l'importance de maintenir les exigences en matière d'accessibilité et de performance énergétique.
Des chiffres alarmants dans la construction neuve
La situation en Gironde est particulièrement préoccupante. Gonzague Douniau, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Nouvelle-Aquitaine, souligne que la production de logements collectifs neufs est tombée à environ 1 000 unités en 2023 et 2024, contre près de 4 000 en 2019. Une chute de 30 % a également été enregistrée entre le deuxième trimestre 2023 et le deuxième trimestre 2024.
Cette baisse de la production ne fait que creuser le déficit entre l'offre et la demande, alors que la population girondine continue de croître. « Nous sommes face à une crise sans précédent », explique Jérôme Banderier, président de l'Unam et nouvellement élu à la tête de cette union interprofessionnelle. Il pointe également des délais de réalisation trop longs, avec une moyenne de 36 mois entre la validation d'un projet et la livraison des logements.
Une pénurie de logements à louer
Il est devenu presque banal de dire que se loger en région bordelaise est une tâche ardue. Que ce soit pour acheter ou pour louer, la demande locative excède largement l'offre disponible. Là encore, l’une des principales raisons est la baisse drastique du nombre de nouvelles constructions : en Gironde, le nombre de chantiers a chuté de 40 % par rapport à l'année précédente. Parallèlement, les prix des logements déjà construits continuent de grimper, allongeant les délais pour trouver un logement, que ce soit à la location ou à l’achat.
Simplifier les procédures pour relancer le secteur
Parmi les principaux freins à la construction de nouveaux logements identifiés par les professionnels, les lourdeurs administratives et normatives sont particulièrement visées.
Sophie Hopensztand, présidente de l'Aria (Association des ingénieurs en bâtiment), appelle à une simplification des procédures pour accélérer la mise en œuvre des projets immobiliers. En parallèle, les chantiers de rénovation peinent à décoller, malgré les besoins croissants en matière de réhabilitation du parc existant.
Plusieurs autres facteurs peuvent expliquer cette situation : les tensions locales, l'augmentation des prix des terrains, ainsi que la hausse des coûts de construction. En un an, le prix des tuiles a, par exemple, augmenté de 29 %, selon la Fédération du Bâtiment de Gironde. Cette augmentation des coûts a entraîné le retard ou l'annulation de nombreux projets, notamment 48 000 logements sociaux qui sont encore en attente de construction.
L'Union pour le logement en Gironde ne veut pas se limiter à une simple dénonciation de la situation. Elle souhaite également apporter des solutions concrètes en se concentrant chaque trimestre sur une thématique précise, afin de proposer des mesures opérationnelles pour lever les obstacles à la construction.
Ainsi, cette union interprofessionnelle tente de fédérer l'ensemble des acteurs du logement, malgré quelques divergences internes, pour relever les défis actuels et futurs du secteur immobilier en Gironde.
Le parcours du combattant des locataires bordelais
La difficulté pour trouver un logement ne se borne pas à Bordeaux intra-muros. De nombreux locataires rencontrent d'importantes difficultés à trouver un logement dans le secteur y compris à plusieurs dizaines de kilomètres de la ville. Témoignant de leurs déboires aux journalistes de France Bleu, Cindy, son mari et leurs trois enfants en sont un exemple frappant.
Depuis deux ans, ils cherchent une maison à Vayres, près de Libourne, sans succès. Après que leur propriétaire a décidé de vendre leur maison en location, ils se sont retrouvés dans une situation complexe. Avec un seul salaire et sans garant, leur dossier est systématiquement refusé par les agences immobilières.
"Les agences nous refusent d’office, tout simplement, parce que notre dossier n'est pas assez solide", confie Cindy. En attendant, toute la famille vit dans un gîte de trois pièces depuis 18 mois, une solution plus petite et plus coûteuse que leur ancienne maison. Leur fils de 5 ans dort dans le salon, et la majorité de leurs affaires est entreposée dans un garde-meuble.
Même pour des ménages avec de meilleures garanties, la recherche d'un logement est loin d'être simple. Nicolas et sa femme, malgré deux salaires et des garants solides, ont passé quatre mois à dormir chez des amis et de la famille avant de trouver une maison à Bordeaux. Ils regrettent que les logements neufs soient inaccessibles en raison de leurs revenus, tandis que les autres sont souvent attribués à des proches des propriétaires.
L'offre de logements sociaux : une saturation inquiétante
Le parc de logements sociaux en Gironde est particulièrement saturé. Il faut en moyenne attendre deux ans et demi pour obtenir un logement social dans le département, d'après le bailleur principal, Domofrance. Cette attente est encore plus longue pour certains dossiers prioritaires.
Sabine, aide-soignante avec trois enfants à charge et menacée d'expulsion, a vu son dossier stagner malgré son urgence. Elle explique à France Bleu qu’en dépit de ses efforts pour contacter les élus locaux et faire avancer sa situation, les mois passent sans qu'aucune solution ne soit trouvée. Ce n'est qu'un an après avoir déposé sa demande qu'une conseillère d'un bailleur social lui propose finalement un T3 à Bègles, même si ce logement ne dispose pas de chambre pour son fils. Sabine accepte malgré tout pour éviter de retomber en bas de la liste d'attente.
En Gironde, 65 000 personnes sont actuellement sur liste d'attente pour un logement social, selon Domofrance.
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