Chute du gouvernement : cataclysme pour le logement
SOMMAIRE
- L’immobilier neuf sur le banc de touche
- Report de l’extension du PTZ à tout le territoire et aux maisons
- Pas d’exonération des droits de succession pour un achat dans le neuf
- Le sursis accordé au Pinel en suspend
- Calendrier DPE, ZAN… quel avenir ?
- L’interdiction des logements classés G confirmée ?
- L’assouplissement de la ZAN en suspens
- De nombreux chantiers suspendus
- Quel budget pour 2025 ?
L’addition s’annonce salée pour le secteur du logement. Au lendemain de l’activation du 49.3 et des deux motions de censure déposées par le RN et le NFP, les professionnels de l’immobilier appréhendent une année 2025 cataclysmique, alors que plusieurs mesures du PLF 2025 prévoyaient de relancer le marché de la pierre.
La crainte qui pesait depuis plusieurs semaines sur l’Assemblée et qui préoccupait les acteurs du logement pourrait avoir un impact délétère sur l’immobilier. Pour faire adopter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sans vote à l’Assemblée nationale, le Premier ministre a dégainé l’article 49.3 de la Constitution, appelant les députés à privilégier l’avenir de la nation
face aux intérêts privés
.
Moins de 3 mois après sa nomination, le gouvernement Barnier est finalement renversé et replonge le pays dans une période de flottement politique. Sans budget, les mesures qui visaient à soutenir l’immobilier, traversant une grave crise, ne verront finalement pas le jour avant quelques temps. Décryptage.
L’immobilier neuf sur le banc de touche
Sans budget, chaos promis pour la filière
alertait la Fédération française du bâtiment. C’était pourtant la promesse de Michel Barnier, redonner un peu de souffle au secteur du logement. Si le gouvernement marchait sur des œufs entre le besoin de loger les Français et les obligations liées à la transition énergétique, des terrains d’entente avaient été trouvés. Faute de budget, les travaux entrepris pour le neuf sont laissés en suspens.
Report de l’extension du PTZ à tout le territoire et aux maisons
C’était l’une des mesures phares du projet de loi de finances 2025, proposer un PTZ accessible à l’ensemble du territoire. Pour rappel, le prêt à taux zéro est un prêt dont les intérêts sont financés par l’État, permettant aux primo-accédant de financer jusqu'à 50% d’un achat dans l’immobilier neuf en zones tendues.
Le gouvernement prévoyait de l’étendre à l’ensemble du pays, aussi bien en zones tendues qu’en zones détendues, mais aussi d’y réintégrer les maisons individuelles, exclues du dispositif en 2024.
L’élargissement du prêt à taux zéro pour l’achat dans le neuf, individuel ou collectif, visait à accompagner la baisse des taux d’intérêt et à créer une fenêtre de tir pour les primo-accédants
a rappelé Valérie Létard.
Pas d’exonération des droits de succession pour un achat dans le neuf
Pour pallier à la fin programmée du Pinel, le député Horizons, François Jolivet, avait proposé d’exonérer les droits de succession pour l’achat d’un logement neuf.
La mesure proposait qu’à partir du 1er janvier 2025, toute personne achetant un logement neuf dans les 18 mois, pourrait profiter d’une exonération temporaire des droits de succession plafonnée à 100 000 euros lorsque ses enfants hériteraient du bien.
Le sursis accordé au Pinel en suspend
Sa fin programmée n’avait pas ravi les professionnels du l’immobilier neuf. Alors que le Pinel doit s’éteindre le 31 décembre, le sénateur LR Jean-Baptiste Olivier avait déposé un amendement pour lui accorder un sursis de 3 mois, reportant sa fin au 30 mars 2025.
La motion de censure implique en l'état, une fin définitive au 31 décembre.
Calendrier DPE, ZAN… quel avenir ?
L’interdiction des logements classés G confirmée ?
Alors qu’il était question d’un éventuel assouplissement du calendrier DPE collectif, l’interdiction des logements classés G à la location pourrait bien être à nouveau effective dès le 1er janvier 2025. Près de 600 000 logements seraient concernés en France.
Un amendement proposait d’accorder des dérogations à certains propriétaires dans 3 cas de figures :
- Lorsque le locataire s’oppose à la réalisation des travaux ;
- lorsque les autres copropriétaires s’opposent à la réalisation des travaux ;
- lorsque les travaux sont déjà en cours.
Durant le mois d’autres discussions parlementaires seront perturbées en cas d’un vote d’une motion de censure, notamment la proposition de loi Marchive Echaniz sur l’assouplissement du calendrier du Diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les copropriétés
, avait déclaré Valérie Létard.
Pour rappel, dès janvier 2025, les propriétaires de logements classés G auront l’interdiction de signer de nouveaux baux de location.
L’assouplissement de la ZAN en suspens
Michel Barnier avait récemment soutenu une proposition de loi visant à assouplir la ZAN (Zéro Artificialisation Nette). Déposée par les deux membres de la majorité sénatoriale, Guislain Cambien et Jean-Baptiste Blanc, elle permettait de faire des ajustements avec pragmatisme sur l’application du ZAN, en tenant davantage compte de la réalité des besoins et du dialogue de chaque territoire
selon le Premier ministre.
Alors que le Premier ministre comptait exempter de ZAN tous les projets industriels, la chute du gouvernement remet en question les pistes du gouvernement. En absence de réforme, de nombreux projets immobiliers pourraient rester bloqués, aggravant la pénurie de logements.
De nombreux chantiers suspendus
En raison de la censure gouvernementale, certains projets sont désormais en attente. La proposition transpartisane sur la décence énergétique bloque ainsi l’accès à de nombreux logements, n’ayant pas encore été débattue au Sénat.
Une autre loi visant à lutter contre les fraudes aux aides publiques, incluant des mesures de démarchage téléphonique pour les travaux d’adaptation des logements et la fraude aux Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) s’est arrêtée au niveau de la commission. Enfin, le projet de loi pour simplifier la vie économique restera lui aussi bloqué. Ce texte proposait des assouplissements en matière d’urbanisme et une exemption temporaire de la ZAN pour les projets industriels.
Valérie Létard a partagé ses inquiétudes lors du colloque de l’Epfif quant à l’avenir des projets étudiés à l’Assemblée. Elle avait délibérément écarté l’idée de présenter une loi globale pour le logement, pour éviter des blocages et des rejets en choisissant une approche plus ciblée.
En plus des textes en discussions, d’autres mesures étaient attendues par les acteurs de la filière du bâtiment, notamment concernant l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). À ce jour, les financements sur lesquels elle pourrait compter de la part de l’État ainsi que son avenir, n’ont pas été évoqués. Le rapport qui devait définir les grandes lignes d’un éventuel troisième programme national devait être remis en septembre, avant d’être reporté à fin novembre. Cependant, il n’a toujours pas été présenté et aucune nouvelle date n’a été fixée.
Quel budget pour 2025 ?
Faire adopter un budget pour l’année 2025 en moins d’un mois avec une nouvelle équipe gouvernementale semble impossible. La France aura-t-elle un budget pour l’année prochaine ? Plusieurs options sont possibles.
Considéré comme démissionnaire, le gouvernement est désormais relégué aux affaires courantes, le temps qu’un nouveau Premier ministre soit nommé. Les affaires courantes recouvrent les affaires dites « ordinaires », participant « à la marche normale de l’État » et ne nécessitent pas d’appréciation de nature politique. Les affaires courantes concernent aussi les affaires dites urgentes, dont l’adoption est dictée par une « impérieuse nécessité », (état d’urgence, trouble à l’ordre public, catastrophe naturelle).
Concernant l’adoption d’une loi spéciale, cela ne s’est jamais vue sous la Vème république. En effet, toute mesure législative est tenue pour importante et politique sensible
.
Cependant, dans des situations exceptionnelles, un gouvernement démissionnaire pourrait présenter une loi spéciale pour répondre à des besoins urgents, comme l'adoption d'un budget. Ce serait une mesure rare et sujette à débat.
En outre, la possibilité de passer par des ordonnances (article 47) pour adopter des mesures financières si le délai de 70 jours est dépassé pourrait être envisagée. Toutefois, la situation n’a pas de précédent.
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