Le Sénat veut élargir l'IFI aux actifs de luxe et aux cryptomonnaies : une réponse à la crise du logement ?
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Au cœur des débats parlementaires, l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) pourrait connaître un bouleversement de taille. Le Sénat a voté une extension de l'IFI aux actifs de luxe, aux cryptomonnaies et à certains produits financiers, invoquant la crise du logement et la justice fiscale. Une réforme ambitieuse qui relance les discussions sur la fiscalité des plus aisés.
Un élargissement pour combler les incohérences
Créé en 2018 pour remplacer l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF), l’IFI se concentre exclusivement sur les biens immobiliers non affectés à une activité professionnelle. Cette mesure avait pour but d’alléger la fiscalité pesant sur les capitaux productifs (actions, parts sociales, etc.), afin de stimuler l’investissement dans l’économie.
Toutefois, ce ciblage a suscité de vives critiques, notamment en raison de son incohérence. En pratique, un propriétaire investissant dans un logement locatif pouvait se voir taxé, tandis qu’un détenteur de cryptomonnaies ou de yachts échappait à toute contribution sur ces actifs.
Face à ces critiques récurrentes, les sénateurs ont décidé de reprendre la main en proposant une réforme ambitieuse, déjà surnommée "impôt sur la fortune improductive".
L'objectif est clair : taxer les actifs perçus comme improductifs ou non essentiels, qui ne contribuent pas directement à l’économie réelle. Parmi les cibles, on retrouve notamment les yachts, les jets privés, les œuvres d’art, les voitures de luxe, et même les cryptomonnaies.
Un contexte de crise du logement en toile de fond
La proposition intervient dans un contexte marqué par une crise majeure du logement en France. Les prix de l’immobilier continuent de grimper dans de nombreuses métropoles, rendant l’accès à la propriété de plus en plus difficile pour les ménages. Parallèlement, le marché locatif souffre d’un manque d’offre, notamment en raison de la frilosité des investisseurs, découragés par une fiscalité jugée trop lourde sur les biens immobiliers.
En élargissant l’IFI à d’autres catégories d’actifs, les sénateurs espèrent non seulement augmenter les recettes fiscales de l’État, mais aussi corriger ce qu’ils perçoivent comme une injustice fiscale. « Pourquoi taxer lourdement des investisseurs locatifs qui contribuent à résoudre la crise du logement, tout en exonérant des actifs comme les cryptomonnaies ou les yachts ? », s’interroge Albéric de Montgolfier, rapporteur général du budget au Sénat.
Une réforme déjà tentée, mais jamais adoptée
Ce n’est pas la première fois que le Sénat propose une telle réforme. En 2019 et en 2023, des amendements similaires avaient été adoptés par la chambre haute, mais ils avaient échoué lors de la navette parlementaire, en grande partie en raison de l’opposition du gouvernement. À l’époque, l’exécutif avait argué que l’IFI actuel était suffisamment simple et efficace, et que les actifs numériques représentaient un secteur d’avenir à préserver pour favoriser l’innovation en France.
Les défenseurs de la réforme estiment toutefois que le contexte économique et social a évolué. La crise du logement s’aggrave, et les Français sont de plus en plus nombreux à exprimer leur mécontentement face aux inégalités fiscales. Selon un récent sondage, près de 60 % des Français soutiendraient une taxation accrue des grandes fortunes, notamment celles qui investissent dans des biens perçus comme superflus ou ostentatoires.
Quels actifs seraient concernés ?
La réforme propose d’inclure plusieurs catégories d’actifs qui échappaient jusqu’ici à l’IFI :
- Les yachts et jets privés : symboles de richesse, ces biens sont souvent critiqués pour leur impact environnemental et leur inutilité économique.
- Les œuvres d’art et objets de collection : bien que leur inclusion soit encore débattue, certains sénateurs estiment qu’ils représentent une valeur patrimoniale importante qui devrait être taxée.
- Les actifs numériques (cryptomonnaies) : avec l’essor du bitcoin et d’autres monnaies dématérialisées, ces actifs sont devenus une cible prioritaire.
- Les véhicules de luxe : voitures de prestige, motos de collection ou autres engins coûteux pourraient également entrer dans le champ de l’IFI.
- Les placements financiers et liquidités : les comptes courants et livrets dépassant un certain seuil seraient aussi concernés.
Une mesure efficace ou symbolique ?
Si cette réforme venait à être adoptée, elle pourrait générer des recettes fiscales supplémentaires estimées à plusieurs centaines de millions d’euros par an. Mais son efficacité réelle dépendra de sa mise en œuvre. Certains experts fiscaux mettent en garde contre le risque de voir les grandes fortunes déplacer leurs actifs à l’étranger pour échapper à l’impôt, comme cela avait été observé avec l’ISF.
En outre, la complexité de l’assiette fiscale pourrait poser des problèmes de mise en application. Comment évaluer précisément la valeur d’une collection d’œuvres d’art ? Quels seuils appliquer aux placements financiers pour éviter de pénaliser les classes moyennes supérieures ? Ces questions restent ouvertes et l’objet de débats dans les semaines à venir.
Une adoption encore incertaine
Bien que soutenue par une majorité sénatoriale, la réforme devra encore surmonter plusieurs obstacles avant d’entrer en vigueur. Si le gouvernement devait changer du fait de la motion de censure du NFP, il est fort à parier que cette nouvelle mesure ne voit jamais le jour.
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