Bordeaux soutient le projet de suppression du département Gironde

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le 07 décembre 2018

[ mis à jour le 03 mars 2021 ]

SOMMAIRE

©Gzen92 [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], from Wikimedia Commons

C’est un projet que l’on ne connaît pour le moment que grâce au bruit qu’il fait dans les Conseils Départementaux et dans les médias, mais qui n’a fait l’objet d’aucune annonce officielle. Ce projet, porté par le Président de la République depuis sa campagne, c’est l’absorption des compétences départementales par les grandes métropoles de France, permettant la création de « Métropoles d’intérêt européen » , et la disparition du Département ( même si, en fonction des spécificités territoriales, seraient sans doute créés des « départements résiduels » pour la gestion des zones trop éloignées des grandes agglomérations « métropolisées » à nouveaux frais).

De nombreux élus et associations ont fait entendre leur opposition à ce projet, prônant la nécessité du maintien d’un « Département fort » pour la défense des intérêts des citoyens et de la démocratie locale. Alors que Lille et Nantes semblent pour l’instant écartées, Bordeaux, Toulouse et Nice sont sur le qui-vive.

Retour sur ce projet, les vifs débats qu’ils suscite, et les conséquences qu’il pourrait avoir sur l’urbanisme et la vie locale.

Bref historique de la concentration territoriale

L’Histoire de la concentration territoriale des compétences publiques remonte à la Révolution française. Au lendemain de ce tournant politique si majeur qu’il permettra l’avènement progressif de la République, les pouvoirs sont toujours tout entiers centralisés sur l'État, figure encore représentative par sa force de l’héritage monarchique du pays.

Depuis la loi de 1871 sur les départements et celle de 1884 sur les communes, la décentralisation s’affirme peu à peu sur le territoire, jusqu’à sa consécration par le Titre X de la Constitution du 27 octobre 1946 puis par l’article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958. Depuis, le cycle des lois de décentralisation de 1982 à 1986 et la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ont contribué à la renforcer, toujours dans une perspective d’approfondissement des libertés et de la démocratie locale. Le but fondamental de la décentralisation ? Rapprocher les citoyens de la gestion des affaires publiques.

Depuis le début de la présente décennie, les lois du 27 janvier 2014, du 16 janvier 2015 et du 7 août 2015 ont procédé à une nouvelle refonte en profondeur de la carte territoriale et à un redéploiement des compétences entre collectivités territoriales, dans l’espoir d’améliorer la lisibilité et la mise en œuvre des politiques publiques.

Sans bouleverser la répartition des compétences entre collectivités territoriales et État, ces réformes ont rationalisé l’organisation territoriale par la fusion de régions et l’achèvement de la carte intercommunale, et réorganisé la distribution des compétences entre les collectivités territoriales elles-mêmes. Pour ce faire, elles ont fait émerger deux pôles décentralisés renforcés : les régions et les métropoles.

La loi du 27 janvier 2014, nommée loi MAPTAM ( loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ), a d’abord favorisé la naissance de pôles urbains renforcés en créant un nouveau statut pour les métropoles. Outre la création des métropoles du Grand Paris, de Lyon et d’Aix-Marseille-Provence, cette loi a permis la création de métropoles sur le reste du territoire. La loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain a depuis lors élargi les conditions de formation des métropoles. À ce jour, 22 villes bénéficient de ce statut.

Si l’on s’en réfère au commentaire du Conseil d’État sur le phénomène de décentralisation aujourd’hui dirigé en métropolisation, on comprend que, pour le gouvernement, « Cette transformation du paysage local permet de dépasser utilement les limites des communes et des intercommunalités les moins intégratrices qui, dans les zones les plus urbanisées, pouvaient paraître fictives et représentaient des obstacles à la mise en œuvre des politiques publiques, en particulier en matière de transport, d’urbanisme ou de politique de la ville. »

Il s’agirait donc, pour l’État, d’acter des frontières locales déjà périmées qui auraient davantage d’effets négatifs que positifs, et de libérer les volontés et les énergies des contraintes hiérarchiques et administratives trop verticales héritées de la conception elle-même dépassée d’un État centralisateur.

©RossHelen -Shutterstock

Le projet d’Emmanuel Macron pour les métropoles

Dans ce même commentaire du 18 mai publié par la Conseil d’Etat, on lit que « les métropoles peuvent, dans certains cas, se voir transférer des compétences ordinairement exercées par les départements ou les régions, voire par l’Etat en matière d’habitat. C’est ce qui a été fait avec la métropole de Lyon, qui exerce désormais, sur son territoire, la totalité des compétences du département. » Et c’est ce que le président ambitionne de faire avec cinq autres métropoles du territoire, comme il en a renouvelé le souhait lors de son discours aux maires de France, ce mercredi 21 novembre 2018. De quoi réveiller les ambitions immobilières à Bordeaux.

Cinq villes concernées par le projet de métropolisation

C’est une annonce qui avait été faite pendant la campagne présidentielle : Emmanuel Macron avait révélé son souhait de fusionner les instances départementales et communales, en s’inspirant de l’exemple du Grand Lyon où le rapprochement a été décidé en 2014.

Lundi 1er octobre, le président de la République avait reçu pour une réunion de travail les cinq présidents des métropoles concernées par le projet de métropolisation : Alain Juppé pour Jean-Luc Gleyze, Christian Estrosi pour Nice, Damien Castelain pour Lille, Johanna Rolland pour Nantes et Jean-Luc Moudenc pour Toulouse.

Dans ces territoires naturellement organisés autour de leurs grandes agglomérations, les seules métropoles françaises de plus de 500.000 habitants en dehors de Paris, Lyon et Marseille (où ce rapprochement est déjà acté ou en cours), Emmanuel Macron veut travailler à un recentrement des compétences sur les instances métropolitaines.

©trabantos -Shutterstock

Un choc de simplification ?

L’objectif affiché par le Président : mieux coordonner les politiques publiques en évitant les doublons et en réunissant les compétences éclatées entre département et ville, comme pour la gestion de la mobilité, la politique de la ville, encore la politique sociale.

Si une telle fusion était actée, resterait hors du territoire de la métropole-département un département résiduel, en charge des décisions sur les communes qui excèdent la zone définie comme compétence de la métropole (les départements concernés étant trop grands pour être absorbés dans leur entier).

Ce projet est animé par une volonté qui semble simple et logique : offrir aux instances décisionnelles le pouvoir de mener leur projet à bien, jusqu’au bout. Par exemple, actuellement, une ville peut construire un quartier d’habitation, mais c’est au département de décider s’il y implantera un collège. La réforme ambitionne donc de centraliser les moyens d’achever ces processus de développement des territoires.

Ce qui doit changer

Élection des présidents de métropole au suffrage universel direct

Cette nouvelle réforme territoriale, qu’on ne connaît pour le moment qu’au filtre des concertations et des débats qu’elle anime pour mieux se construire, prévoit l’élection du président du département-métropole au suffrage universel direct, en même temps que le maire. Et en raison de la règle du non-cumul des mandats, ce ne pourra pas être la même personne, a tenu à préciser l’Elysée. Pour rappel, les maires des villes concernées sont à ce jour également les présidents des métropoles, et les présidents des conseils départementaux sont, eux, élus au suffrage indirect par les conseillers.

Les compétences absorbées par les métropoles

Les « métropoles d’intérêt européen » qu’imagine Emmanuel Macron, c’est-à-dire les métropoles fusionnées avec les parties de départements qui forment leur communauté urbaine, vont reprendre à leur charge donc la gestion des aides sociales, le RSA (revenu de solidarité active), l’APA (allocation personnalisée d’autonomie) et la PCH (prestation de compensation du handicap), ainsi que la responsabilité des routes départementales et des collèges.

De plus, ces métropoles « élargies » vont récupérer les recettes de certains impôts jusqu’ici récoltées par les départements :

Or, puisque les recettes de ces impôts étaient déjà bien plus importantes dans les agglomérations des métropoles que dans le reste des territoires, l’Etat va prévoir un mécanisme de compensation afin que les futurs Départements “résiduels” ne se trouvent pas doublement pénalisés.

L’urgence avant les prochaines municipales

À l’issue de cette réunion du 1er octobre, « Un consensus s’est dégagé sur un schéma-cible de département-métropole, qu’il faut encore affiner », a communiqué l’Elysée. Dans le même temps, Emmanuel Macron a renouvelé son vœu de ne mener à bien cette réforme qu’avec l’adhésion des maires des territoires concernés, ainsi que du Sénat (puisqu’il faudra, dans tous les cas, une loi pour acter cette réforme) : « Le gouvernement n’engagera cette réforme qu’avec la volonté explicite des élus d’y aller », a assuré l’Elysée.

Le gouvernement espère que ce dossier puisse trouver une issue favorable dans les prochains mois, afin qu’une loi soit votée en amont des élections municipales de 2020, de manière à ne pas parasiter la campagne. Si aucun consensus ne se dégageait à temps, l’élection au suffrage universel direct du président de la métropole n’interviendrait qu’en 2026.

Bordeaux Métropole veut prendre le train en marche

©Florencecassisi [CC BY 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0)], de Wikimedia Commons / Date de l’image : août 2015

La Métropole de Bordeaux favorable à la fusion

Alain Juppé, le maire de Bordeaux et président de la Métropole, a été reçu à trois reprises ces derniers mois à l'Elysée. Il a ainsi pu faire état de ses vues au Président de la République, et poser ses conditions à une potentielle fusion.

S’il reste prudent dans ses positions, affirmant « Je n'ai rien demandé mais je n'y suis pas hostile », Alain Juppé est revenu longuement sur le projet de réforme des collectivités le lundi 15 octobre, après que le président du Département girondin ait organisé une mobilisation contre ce projet.

Dans son intervention à ce sujet, le Président de la Métropole souligne qu’ « il est évident que l’organisation territoriale est très complexe », tout en déplorant le fait que sur le territoire de la métropole, cela fait « des mois » qu’il essaye « de mettre d’accord le département et Bordeaux Euratlantique pour construire deux collèges sur ce périmètre » . Selon lui, les blocages sont dus à « un problème d’ego ». Et d’ajouter : « Si c’était la métropole qui était en charge des collèges, il y a longtemps que le sujet serait conclu. »

Une réforme que le président de Bordeaux Métropole semble donc juger appropriée, et propre à faciliter la politique d’aménagement territoriale engagée sur l’agglomération. Il s’est récemment prononcé plus fortement en faveur de cette métropolisation, pointant un « risque » pour Bordeaux si elle ne participait pas au projet : selon lui, elle pourrait par là « décrocher » face à des métropoles comme Toulouse, Marseille ou Nice. Bordeaux risquerait ainsi très largement de perdre son statut et sa position si elle demeurait métropole française quand ses consœurs, elles, deviennent métropoles d’intérêt européen.

Les présidents de Départements jusqu’ici écartés des discussions

Scandale interne aux instances de décision territoriales : les présidents des Départements n’ont pas été reçus par le Président au sujet de ce projet de fusion, et ce malgré leurs demandes. C’est une première, puisque généralement les chefs d’Etat consultent les représentants des collectivités lorsqu’ils sont à ce point concernés par une réforme de leurs statuts et de leurs compétences.

« Je rappelle que le modèle lyonnais est issu d'un consentement entre deux collectivités alors qu'aujourd'hui on parle d'imposer un modèle négocié avec une seule des deux parties.
Il est inadmissible qu’un président de la République puisse envisager un projet comme celui-là en consultant simplement les présidents de métropole, et sans demander leur avis aux présidents des départements. D’autant plus que le Premier ministre avait dit il y a un an à Marseille que rien ne se ferait sans un accord conjoint de toutes les collectivités. »
Jean-Luc Gleyze, le président du Département de la Gironde
©Jean-Luc Gleyze [CC BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons

Le président de la Gironde farouchement opposé au projet...

Jean-Luc Gleyze, en plus de s’être levé contre le mode de concertation sur lequel il s’est passé jusqu’ici, s’est fortement opposé au projet de fusion lui-même. Se posant en « garant de l'intérêt commun des Girondins et Girondines où qu'ils habitent » , il a solennellement appelé à un « rassemblement citoyen » samedi 13 octobre 2018 au siège du Conseil départemental de Bordeaux, à Mériadeck. Il a réuni près de 600 personnes pour l’occasion, dont un grand nombre d’élus.

Il a reçu le soutien du groupe d'opposition de droite au Conseil départemental, de l'Association des maires de Gironde, de l'Assemblée des départements de France, d'Alain Anziani, le vice-président PS de la Métropole et maire de Mérignac, la 2e ville de Gironde, du président PS de la Région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset, ainsi que des présidents des département voisins.

Pour Jean-Luc Gleyze, le risque est trop important « d'accentuer les fractures territoriales » par une fusion qui, selon lui, mettrait fin à la solidarité entre la Métropole et le reste du département. Ce serait « attiser ainsi le sentiment d'abandon d'une partie de la population girondine », et mettre en péril les principes « d’égalité et d’équité de traitement » entre les habitants d’un même département, selon qu’ils vivent sur le territoire de la métropole ou pas.

Prônant la spécificité des territoires, il invite à la plus grande prudence dans la référence à l’exemple lyonnais : «On nous avance que cela fonctionne à Lyon. Mais cela n’a rien à voir : trois quarts de la population du Rhône vivent sur l’agglomération lyonnaise, alors qu’il ne s’agit que de la moitié concernant la métropole de Bordeaux, qui est de surcroît située géographiquement au cœur du département. Le modèle lyonnais n’est pas duplicable. »

En peu de mots comme en cent, le président du Département a témoigné son opposition la plus ferme et radicale :

« Je ne suis pas un Gaulois réfractaire mais je peux être un Girondin farouche. Ce projet est le fruit d'un accord entre des barons et des larrons. (...) Il constituerait un passage en force sans précédent alors même que le gouvernement s'est engagé à associer les collectivités locales à toutes ses réformes.
Je le dis clairement : nous sommes radicalement contre et farouchement opposés à cette réforme ! »
Jean-Luc Gleyze, le président du Département de la Gironde

Les maires ruraux disent « Non » aussi

De leur côté, les maires des communes rurales de Gironde se sont également opposés au projet. Inquiets d'une inégale répartition des richesses entre les communes de la métropole et celles plus éloignées, ils se sont rangés derrière l’avis de Jean-Luc Gleyze, voyant comme lui dans cette fusion une « erreur fondamentale », qui mettrait en péril la bonne santé des zones suburbaines de Bordeaux.

L'Association des maires ruraux de la Gironde a ainsi pris position en ces termes :

« Ce projet n'est pas une simplification du mille-feuille mais la création d'un nouvelle collectivité en lieu et place du département. »
Extrait du communiqué de presse de l'Association des maires ruraux de la Gironde

La mutualisation des richesses entre Métropole et Département est, jusqu’ici, la seule solution viable trouvée par les collectivités pour maintenir un juste équilibre des territoires. L'association s'inquiète ainsi légitimement de la « baisse alarmante des aides sociales départementales, de l'entretien et du développement du réseau routier départemental, des aides aux écoles et aux collèges… » que risquerait d’occasionner une telle réforme.

Sur un plan plus symbolique, Daniel Barbe, président de l'association des maires ruraux de la Gironde, déplore la perte identitaire que marquerait une telle rupture : « Aujourd'hui, le département permet d'avoir une vraie identité girondine ».

Les maires ruraux se sont donc joints au grand « rassemblement contre la métropolisation » du samedi 13 octobre, et espèrent beaucoup des négociations à venir.

Alain Juppé veut temporiser

Si Alain Juppé concède que « la façon dont la réforme a été engagée n’est pas bonne » , notamment parce que « les départements n’ont pas été informés », il note surtout que « le calendrier est extrêmement périlleux, puisque compte tenu de la probable opposition du Sénat, rien ne sera bouclé dans les mois qui viennent, donc on va se retrouver en pleine campagne électorale avec un débat qui sera pipé » .

Se voulant conciliateur, il a dit « comprendre » la mobilisation du Conseil départemental et des maires ruraux, mais refuser la « politique politicienne » pratiquée par Jean-Luc Gleyze. Il a ainsi dénoncé sa mauvaise foi et ses conséquences délétères sur le débat.

« Quand on fout la trouille aux associations et aux maires ruraux en leur disant que la participation du département va baisser et qu’il ne pourra plus les subventionner, ce sont des sornettes. Il est bien prévu que les départements conservent exactement la même capacité [de financement] qu’avant la réforme, et ils ne verront pas leurs moyens diminuer. Dire cela c’est dresser les communes rurales contre la métropole, et ce n’est pas une bonne action. »
Alain Juppé, Maire de Bordeaux et Président de Bordeaux Métropole

Bordeaux pose ses conditions

Bordeaux n’est « pas intellectuellement hostile à ce projet », mais elle tient à poser ses conditions. Car au-delà de la géopolitique locale, la fusion devra régler ce problème de taille qui parasite les relations entre instances territoriales et gouvernementales depuis plusieurs années : le financement des trois allocations individuelles de solidarité, le RSA, l’APA et la PCH.

La nécessaire recentralisation des aides sociales

Dans le courant des années 2000, le versement de ces trois aides sociales a été transféré par l'État aux départements, sans qu’il n’ait fait suivre les financements. Ils se sont donc retrouvés à devoir compenser le manque à gagner année après année. Aujourd’hui, ils demandent donc une recentralisation du financement de ces aides, qui sont censées relever de la solidarité nationale.

Mais l'État n’est pas prompt à régulariser cette situation, et les négociations sur ce dossier traînent depuis plusieurs années. Alain Juppé a donc profité de ce projet de métropolisation du département pour le conditionner explicitement à la résolution de ce conflit financier. Un conflit qui s’élève maintenant à plusieurs milliards d'euros.

En effet, pour la seule année 2017, le reste à charge pour le département de la Gironde au titre de ces trois seules allocations s'élève à 248,9 millions d’euros, soit 160 € par habitant. Et 59,5 % de cette somme correspond aux 28 communes de la Métropole, bien que celle-ci ne pèse que 49 % de la population girondine. En cas de transfert de compétences, Bordeaux Métropole se retrouverait donc avec une dette de 148,2 millions d’euros envers le département, alors même qu'elle s'était engagée au printemps dernier à limiter la hausse de ses dépenses de fonctionnement, en signant un contrat... avec l'État. Pour protester contre cette impasse budgétaire, la Gironde avait, elle, refusé de signer.

Alain Juppé a donc posé à Emmanuel Macron deux conditions « essentielles » à une éventuelle participation de Bordeaux Métropole au projet de fusion : « La première c’est qu’on ne nous transfère pas de reste à charge "social", puisque l’État n’assume pas la totalité des financements qu’il devrait assumer au titre du RSA et d’autres aides sociales, et deuxièmement que les libertés communales soient préservées. »

Quelles économies réelles ?

Quant à savoir si ce processus permettrait à terme de réelles économies, il est bien difficile de statuer. Les pro-réforme mettent en avant davantage d'efficacité avec une structure unique, mais les détracteurs rappellent que le fonctionnement des collèges ou les aides sociales, qui constituent le plus gros des dépenses départementales, ne disparaîtront pas une fois transférées à la Métropole.

Certains pointent également un risque de doublon dans les services. Avec un guichet pour la métropole et un autre pour le reste du département, le tout pour le même service public, il y a des risques que la métropolisation n’amène ni économies ni simplification. Jean-Luc Gleyze, au fait du bilan financier très décevant qui fait suite à la fusion régionale de 2014, se montre dubitatif : « Quand on dédouble, ça n'amène pas d'économies ». Même Alain Juppé s'interroge : « Le citoyen y verra-t-il vraiment une simplification ? » .

Rencontre entre Jacqueline Gourault et les présidents des Départements réfractaires à la fusion ce 28 novembre

Suite à leur rencontre de ce mercredi avec la ministre de la cohésion des territoire, les présidents des Conseils départementaux encore concernés par la fusion (Jean-Luc Gleyze pour la Gironde, Charles-Ange Ginesy pour les Alpes-Maritimes et Georges Méric pour la Haute-Garonne) ont publié ce jeudi 29 novembre un communiqué dans lequel ils ont voulu partager leur inquiétude grandissante à l’issue de la réunion.

« [Ce rendez-vous] nous laisse une sensation d’inachevé car nous avons été confrontés à un discours sur les vertus d’une ultraconcentration sur les Métropoles, déconnecté de la réalité des territoires et qui renforce le sentiment d’abandon et d’exclusion d’une grande partie de nos concitoyens. »
« [Nous demandons] « au Président de la République et au gouvernement de renoncer clairement à passer en force sur le projet de fusion entre les Métropoles et les Départements.
Le gouvernement doit entendre la voix des habitants de nos territoires et des élus départementaux, mobilisés au quotidien pour faire vivre la solidarité sociale et territoriale. »
Georges Méric, président du Conseil Départemental de Haute-Garonne, Jean-Luc Gleyze président du Conseil Départemental de la Gironde, Charles-Ange Ginesy, président du Conseil Départemental des Alpes-Maritimes

Ils ont ainsi renouvelé leur vœu que le gouvernement soit plus à l’écoute des spécificités territoriales desquelles ils sont les plus proches, et lui ont demandé de clarifier au plus vite sa position à ce sujet. Mais pour l’heure, rien de neuf n’est donc sortir de cette réunion. « Je ne sais pas pourquoi on nous a fait venir à Paris, puisque c’était pour ne rien nous dire », a déploré Charles-Ange Ginésy dans Nice-Matin.

Un article polémique sur le sujet

Selon le journal La Tribune, le Maire de Bordeaux et Président de la Métropole aurait évoqué lors du conseil métropolitain de ce vendredi 30 novembre « la possibilité de se retirer de la démarche » de métropolisation. Le visionnage de cette séance du conseil nous prouve qu’il n’en est rien.

Et quand le journal assure également qu’un « proche » d’Alain Juppé aurait déclaré qu’ « il faudra probablement attendre encore un peu », Jean-Luc Moudenc, le Maire de Toulouse et Président de la Métropole a, lui, confié le contraire quant aux positions de son collègue bordelais. Il en a également profité pour réaffirmer ses propres vues sur la question.

« Ce que vous me dites sur Bordeaux ne correspond pas à ce qu'Alain Juppé m'a dit il y a quelques jours.
En ce qui me concerne, je suis mandaté par le conseil de Toulouse Métropole, où une majorité d'élus représentant une large majorité de la population s'est prononcée très nettement le 8 novembre dernier, sans même qu'il y ait une seule voix contre. Je suis démocratiquement lié par ce vote de mes collègues d'ici et non par les positions de mon collègue bordelais, bien qu'il soit un ami très cher. » Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse et Président de la Métropole

Une mission de contrôle budgétaire sur les conséquences financières d’une fusion est en route

Le 15 octobre, la commission des finances du Sénat a lancé une mission de contrôle budgétaire sur les conséquences financières d’une fusion des métropoles avec leur département.

Cette mission a été confiée par la commission des finances du Sénat à Charles Guené (Les Républicains - Haute Marne) et Claude Raynal (Socialiste et républicain - Haute Garonne), rapporteurs spéciaux de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Deux objectifs majeurs ont été fixés :

Les rapporteurs spéciaux présenteront les résultats de leurs travaux au premier trimestre 2019.

Sources :

[ En Résumé ]

Samedi 13 octobre, au siège du Conseil Départemental de la Gironde, 600 élus, citoyens et représentants d’associations se sont réunis pour soutenir le maintien d’un « Département fort », et s’opposer au projet d’Emmanuel Macron de création de « Métropoles d’intérêt européen ». Le président du Département, Jean-Luc Gleyze, a dénoncé le passage en force du gouvernement sur ce projet, et regretté que les instances départementales soient exclues de la concertation.
Malgré les vifs débats qu’il suscite dans les 5 métropoles et départements concernés (Bordeaux, Nice et Toulouse surtout, Nantes et Lilles étant écartées depuis peu), le gouvernement espère voir aboutir ce projet de fusion avant les élections municipales de 2020. La ministre de la cohésion des territoire, Jacqueline Gourault, a reçu ce mercredi 28 novembre les présidents des départements de Haute-Garonne, de Gironde et des Alpes-Maritimes pour apaiser la situation, rassurer sur les conséquences que pourrait avoir cette fusion, et trouver un consensus. En vain, pour le moment.

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