Taux d’usure : le calcul sera provisoirement mensualisé pour faire face à l’inflation
SOMMAIRE
- Taux d’usure : un calcul mensualisé
- Taux d’usure : qu’est-ce que c’est ?
- Taux d’usure : le lien avec le TAEG
- Quel est le problème avec un calcul du taux d’usure trimestriel ?
- Un problème lié à l’inflation
- Les augmentations des taux des établissements de crédit
- Un marché régulièrement bloqué
- Taux d’usure : de longues négociations pour changer la méthode de calcul
- La grogne des courtiers immobiliers contre la Banque de France
- Une réunion avec le Ministre de l’Économie
- Une mesure temporaire
La mesure était attendue de pied ferme par les courtiers en prêt immobilier : la méthode de calcul du taux d’usure a enfin changé. Suite à plusieurs mois de grogne face à la hausse des taux de crédit et au blocage du marché immobilier, le gouverneur de la Banque de France a décidé de réévaluer le taux d’usure chaque mois, de manière provisoire. Une mesure qui devrait, sans aucun doute, permettre de relancer le marché de l’ immobilier neuf à Bordeaux et dans le reste de la France. Explications.
Taux d’usure : un calcul mensualisé
La nouvelle est tombée il y a peu, et elle a de quoi réjouir les personnes qui envisagent de réaliser un achat immobilier : le calcul du taux d’usure sera désormais mensualisé. La décision a été prise par la Banque de France suite à une réunion s’étant tenue entre le ministre de l’Économie et plusieurs représentants des banquiers et courtiers immobiliers de France, le mercredi 11 janvier dernier*.
Ainsi, le taux d’usure, qui n’était réévalué qu’une fois par trimestre, sera désormais recalculé tous les mois, de manière provisoire, afin de contrer les effets de l’inflation. Ce changement devrait, selon toute vraisemblance, être acté au début du mois de février ou de mars 2023. Les courtiers, banquiers et autres acteurs du secteur du logement espèrent que ce changement permettra de débloquer le marché immobilier.
Taux d’usure : qu’est-ce que c’est ?
Si le taux d’usure bloque le marché immobilier, c’est avant tout car il s’agit d’une mesure visant à protéger les emprunteurs de conditions de prêts abusives, et de l’endettement au sens large. Il s’agit en fait du taux maximum légal auquel les banques et autres établissements de crédits sont autorisés à accorder un prêt. La Banque de France procède à son calcul, qui est traditionnellement réalisé une fois par trimestre.
En réalité, plusieurs taux d’usure existent, et non pas seulement celui s’applique au crédit immobilier. Il en existe également pour les crédits à la consommation ou pour les découverts bancaires par exemple. La méthode de calcul reste néanmoins la même : la Banque de France prend les taux moyens pratiqués par les établissements de crédit et les augmente d’un tiers. Les taux d’usure sont ensuite traditionnellement annoncés dans le Journal Officiel à chaque fin de trimestre.
Taux d’usure : le lien avec le TAEG
Concrètement, dans la situation d’un emprunteur, le taux d’usure s’applique directement au TAEG, sigle qui désigne le Taux Annuel Effectif Global. Il englobe le taux d’emprunt et plusieurs dépenses annexes telles que l’assurance emprunteur ou encore les frais de dossier. Afin qu’une banque soit en mesure d’accorder un prêt immobilier, le TAEG de l’emprunteur doit obligatoirement être inférieur au taux d’usure.
Depuis le 1er janvier 2023, le taux d’usure s’élève à 3,57% pour un emprunt de 20 ans et plus. D’après des données de MeilleurTaux*, au 09/01/2023, un “bon taux” de crédit sur 20 ans avoisine les 2,52% dans l’hexagone. Cela laisse une marge d’environ 1,05% pour les dépenses annexes.
Quel est le problème avec un calcul du taux d’usure trimestriel ?
Si la méthode de calcul du taux d’usure a été modifiée, c’est notamment parce qu’elle faisait l’objet de vives critiques de plusieurs acteurs du secteur de l’immobilier. Mais pour quelles raisons ? Explications.
Un problème lié à l’inflation
Vous n’aurez pas manqué de le remarquer, l’inflation fait rage en France et dans le reste du monde, stimulée notamment par la pandémie de Covid-19 et les retombées économiques de la guerre en Ukraine. Le phénomène n’a pas épargné la sphère de l’immobilier, avec une hausse des coûts des matières premières en ce qui concerne l’immobilier neuf, mais aussi, un durcissement des conditions d’accès au crédit.
En effet, en juillet puis septembre, octobre et décembre 2022, la Banque Centrale Européenne a revu à la hausse ses trois taux directeurs. Cette manœuvre avait pour but de ralentir l’inflation en réduisant la quantité d’argent en circulation, ce qui, par voie de conséquence, est censé ralentir la demande. Car avec l’inflation, l’offre étant inférieure à la demande dans la plupart des secteurs. Mais les conséquences sont nombreuses pour les établissements de crédit.
Les augmentations des taux des établissements de crédit
Avec les hausses des taux directeurs de la BCE, l’argent coûte plus cher aux banques et aux établissements de crédit. L’argent des prêts accordés par les banques vient principalement d’emprunts réalisés entre elles ou auprès de la BCE. La hausse des taux de la BCE les impacte donc directement, et les banques se retrouvent ainsi obligées de répercuter cette hausse sur leurs taux de crédits afin de rester rentables.
Or, la hausse des taux d’intérêt des banques est elle-même contenue par le taux d’usure. Et c’est justement le cœur du problème : dès que le taux d’usure est revu à la hausse, les banques elles-mêmes augmentent leurs taux de crédit immobilier. Les emprunteurs attendent pourtant avec impatience la revalorisation du taux d’usure, mais la bouffée d’oxygène qu’elle offre n’est que de courte durée.
Un marché régulièrement bloqué
De nombreuses personnes souhaitant réaliser un achat immobilier s’en sont retrouvées empêchées en raison d’augmentations du taux d’usure jugées insuffisantes. Ces emprunteurs auraient pourtant eu un dossier jugé solvable quelques temps auparavant. Mais avec la conjoncture économique actuelle, les établissements de crédits s’avèrent réticents à accorder des emprunts, qui leurs reviennent plus chers.
Une dynamique de cercle vicieux s’est ainsi installée, les banques augmentant leurs taux dès que le taux d’usure était revalorisé. Mais la marge de manœuvre était souvent trop faible pour les emprunteurs par rapport au TAEG. Avec, par exemple, un taux d’usure à 3% et des taux de crédit à 2,5%, les emprunteurs se trouvaient dans l’impossibilité d’assumer des dépenses annexes, telles que les assurances. Ce qui n’a pas manqué de bloquer le marché immobilier.
Taux d’usure : de longues négociations pour changer la méthode de calcul
La mensualisation du calcul du taux d’usure est saluée par de nombreux acteurs du secteur de l’immobilier, mais cette décision n’a pas été prise en un jour. Elle est en réalité le fruit de longues négociations. Et elle pourrait bien ne pas durer. Explications.
La grogne des courtiers immobiliers contre la Banque de France
Face aux blocages rencontrés sur le marché immobilier, de fortes tensions ont émergé entre les courtiers en crédit immobilier et la Banque de France. En effet, les courtiers estimaient que la méthode de calcul du taux d’usure n’était pas adaptée au contexte d’inflation actuel, et qu’il ne prenait pas assez bien en compte les réalités du marché. L’effet de cercle vicieux entre l’augmentation du taux d’usure et des taux de crédit avait également été évoqué.
La situation était particulièrement explosive au mois de septembre 2022. Les courtiers avançaient que 45% des dossiers de demande de prêt étaient refusés, et le gouverneur de la Banque de France réfutait cette affirmation*. S’en est suivie une manifestation d’une centaine de courtiers immobiliers devant les locaux de la Banque de France le mardi 20 septembre*. Les tensions ne s’étaient pas réellement améliorées depuis lors.
Une réunion avec le Ministre de l’Économie
C’est la bonne nouvelle de ce début d’année pour tous les emprunteurs potentiels : le Ministre de l’Économie Bruno Le Maire aurait rencontré le gouverneur de la Banque de France et des représentants des courtiers et banquiers le mercredi 11 janvier. D’après cette information, rapportée par Capital* et les Échos*, la mensualisation du calcul du taux d’usure bénéficie d’un fort soutien de Bruno Le Maire.
La méthode de calcul du taux d’usure resterait sensiblement la même que celle utilisée jusqu’alor. La principale nouveauté résiderait dans la fréquence d’actualisation du taux, mensuelle et non plus trimestrielle. Les travaux de réflexion se poursuivent cette semaine suite à cette réunion de deux heures.
Attention néanmoins, la mesure n’est pas encore adoptée. Avant que la mensualisation soit appliquée, le gouverneur de la Banque de France doit encore la présenter au Ministre de l’Économie.
Une mesure temporaire
Si la mesure est saluée par une grande partie des acteurs du secteur immobilier, celle-ci ne devrait qu’être temporaire. Cette mensualisation devrait être mise en place au début du mois de février ou du mois de mars, d’après le Ministère de l’Économie*. Mais il ne s’agit pas, en revanche, d’une véritable réforme à proprement parler, la méthode de calcul du taux d’usure étant restée inchangée depuis 1966.
Ainsi, d’après un témoignage anonyme recueilli par l’AFP, ce nouveau mode de calcul pourrait avoir une durée de vie bien courte, d’un ou deux trimestres. De nombreux acteurs ont espoir que cette mesure facilite l’octroi de crédits et relance l’activité immobilière dans l’hexagone. En revanche, elle risque également d’accélérer la remontée des taux de crédit.
SOURCES
- BFMTV - RÉVISION MENSUELLE DU TAUX D'USURE
- Meilleurtaux - Baromètre des taux immobiliers
- BFMTV - TAUX D'USURE
- Les Échos - Crédit
- Capital - Crédit immobilier
- Les Échos - Crédit immo
- Europe 1 - Le taux d'usure provisoirement réévalué tous les mois pour débloquer les demandes de crédits
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