L'exemplarité architecturale des barres du Grand Parc

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Avatar Gilles VIDOTTO Gilles Vidotto

le 08 février 2019

[ mis à jour le 17 novembre 2021 ]

SOMMAIRE

La transformation des 530 logements du Grand-Parc avait déjà été couronnée d’un prix international en 2016, le Living places Simon Architecture Prize. Elle se retrouve cette année à nouveau en lice pour un prix d’architecture européen, le Prix Mies van der Rohe 2019.

L’œuvre, portée par le trio d’architectes Lacaton & Vassal architectes, Frédéric Druot Architecture et Christophe Hutin Architecture, n’a donc pas fini de faire parler d’elle. Dans les années 60, les barres d’immeubles du Grand-Parc n’avaient que des lettres pour nom : G, H et I. Artistiquement baptisées quelques décennies plus tard Gounod, Haendel et Ingres, ces barres de 10 et 15 étages ont incarné l’ambition architecturale et urbaine du Bordeaux contemporain.

Renommées grâce à leur trois lettres-sigle « Génération d’Habitat Innovant », ces barres du Grand Parc symbolisent une aventure de requalification réussie, témoin de la qualité possible de la rénovation offerte aux « grands ensembles ».

La réhabilitation au Grand Parc

Depuis 2011, la Ville de Bordeaux et la Métropole ont voulu engager une réflexion globale sur la cité du Grand Parc, avec pour objectif d’améliorer à la fois son fonctionnement, ses aménagements, et son image. Le cycle de concertation, qui s’est tenu entre 2012 et 2016, a associé les entités municipales à l’office public de l’habitat Aquitanis, InCité, la SNI, la Polyclinique Bordeaux Nord Aquitaine et les habitants. En tout, plus de 1.000 personnes ont pu participer à l’élaboration de ce plan d’aménagement. Un premier projet est arrêté en mars 2014, qui permet de démarrer les travaux, tout en précisant les attentes des habitants et des usagers.

Le projet qui concerne les immeubles « GHI >» a pour originalité de conserver l’existant tout en le requalifiant, et en l’augmentant en surface. Portée par le bailleur Aquitanis et réalisée entre 2014 et 2016, cette réhabilitation d'architectes a concerné 530 logements. Concrètement, ce sont des jardins d’hivers et des balcons qui ont été greffés aux bâtiments, offrant aux résidents de la lumière et 30m² en plus. Une manière de casser l’homogénéité actuelle, tout en modernisant l’offre de logements, et en lui faisant gagner en attractivité.

L’ensemble du quartier a bénéficié, et bénéficie encore, de ce plan d’aménagement XXL. En plus de cette opération immobilière, le plan prévoit : 

© Bordeaux Métropole

Un projet global pour le quartier

Le quartier du Grand-Parc a été conçu dans les années 50, sur une superficie totale de 60 hectares. Sa conception rompt avec les modèles de développement urbain bordelais les plus répandus jusqu’à la première moitié du XIXème siècle.

Implanté en bordure des boulevards, le Grand-Parc est un ensemble de 4.000 logements dont la morphologie impressionne par son ampleur. Les tours et les barres d’immeubles, qui s’élèvent jusqu’à 22 étages, dominent un parc de 8 hectares, ainsi que les commerces et équipements de proximité. La cité bénéficie par ailleurs d’une situation exceptionnelle dans la ville, se situant à peine à 800m de la place des Quinconces, et profitant d’une station de tramway dédiée à l’entrée du quartier.

Aquitanis est l’un des principaux bailleurs sur le site, et y gère aujourd’hui 2.318 logements. L’office public de l’habitat s’est engagé aux côtés de la Ville et de la Métropole dans la démarche d’étude de requalification et de dynamisation du secteur, qui est allée bien au-delà d’une stricte rénovation de logements. Le plan d’aménagement s’est montré ambitieux. Il est également passé par la construction de nouveaux ensembles : sur la première phase du projet, ce sont 74 logements familiaux, des bureaux, des locaux associatifs, et une EHPAD de 148 lits qui ont été réalisés.

Un site important : 3 barres/15 étages/530 logements

L’opération de réhabilitation qui se trouve à nouveau en lice pour un prix d’architecture est celle qui a concerné les 530 logements répartis sur les trois barres Gounod, Haendel et Ingres : 2 barres de 15 étages de 225 logements chacune, et une de 10 étages et 80 logements. L’ensemble est situé entre l’avenue Emile Counord et la place de l’Europe.

C’est en ces termes qu’Anne Lacaton, une des architectes en charge du projet, évoquait ses ambitions :

« Les appartements vont gagner de la place, de 25 à 30 m2, de la lumière et des vues exceptionnelles. Bordeaux est une ville assez basse, et ces immeubles de 10 à 16 étages permettent de prendre rapidement de la hauteur. C’est un luxe, qui ne se réduit pas à de la valeur économique. »
Anne Lacaton, une des architectes en charge du projet

Une équipe de maîtrise d’œuvre : Lacaton & Vassal architectes

Cette première phase d’intervention, la plus ambitieuse jamais menée sur l’agglomération bordelaise, a été dirigée par les architectes Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, déjà présents sur l’opération 50.000 logements de La Cub (la Communauté urbaine bordelaise). Ce sont eux qui ont été retenus à la suite du concours lancé par la Métropole, et qui ont eu la responsabilité de porter ce projet jusqu’à son terme, en collaboration avec les équipes d’Aquitanis.

Ces architectes ont proposé une philosophie et un mode d’intervention qu’ils avaient déjà mis en pratique avec succès sur d’autres sites, notamment la Tour Bois Le Prêtre à Paris avec l’OPH Paris Habitat, et Tour Plein Ciel à Saint-Nazaire avec l’OPH Silène.

Une philosophie : exploiter l’existant

Lorsqu’il arrive en 2008 chez Aquitanis, le nouveau directeur renonce à la démolition programmée des bâtiments GHI, alors très dégradés. Une décision d’autant plus nécessaire que le plan local d’urbanisme (le PLU) et l’UNESCO empêchaient déjà toute destruction du patrimoine.

Il a finalement choisi de travailler à leur rénovation avec le cabinet d’architectes Lacaton et Vassal, avec qui il avait déjà collaboré à Saint-Nazaire sur un projet similaire. La philosophie de ce duo d’architectes fondateurs du projet est celle-ci :

Selon Aquitanis, la requalification devrait effectivement permettre à la consommation des logements de passer de 185 kilowattheures/m²/an à moins de 50, et même s’approcher de zéro si les habitants utilisent bien le potentiel de ces appartements orientés plein Sud, traversants (ce qui permet la circulation de l’air), dotés de double vitrage, de rideaux thermiques intérieurs et de rideaux d’ombrage.

« La grande force de l’architecture des grands ensembles des années 1950 et 1960, issue de la Charte d’Athènes, ce sont ces bâtiments ayant la meilleure exposition possible par rapport à la course du soleil, et éloignés les uns des autres, ce qui leur permet de ne pas se porter ombrage. »
Bernard Blanc, directeur général de l’office public HLM de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) lors de la réalisation du projet Grand-Parc

Plus spécifiquement, sur ce projet, ce sont les façades longitudinales orientées Sud qui, grâce à la construction d’une charpente métallique extérieure, ont bénéficié d’extensions directement « greffées » à l’existant sur 15 étages. Ces structures extérieures ont permis d’agrandir l’espace d’usage d’environ 20 m² pour chaque logement, tout en offrant ainsi aux habitants la possibilité, comme dans une maison, de vivre à l’extérieur tout en étant chez soi.

D’autres interventions complémentaires ont également été réalisées : agrandissement des salles d’eau, création d’ascenseurs extérieurs, et réalisation d’une dizaine de T6 et d’une dizaine de T5 en duplex en dernier niveau. Les travaux se sont étalés sur une paire d’années, et se sont faits en milieu occupé, puisque le choix de l’extension par l’extérieur a évité le déménagement des habitants pendant les travaux.

Un écoquartier avant l’heure

Par ce jeu d’exploitation des performances énergétiques potentialisées sur le site, et par ce travail sur l’inscription du projet de requalification des immeubles dans un vaste plan d’aménagement attaché à rendre au quartier son identité originelle, tournée vers la nature et les plaines de loisirs, les espaces verts et une biodiversité riche, les aménageurs ont fait du Grand-Parc une sorte d’écoquartier avant l’heure. C’est en tous cas en ces termes que s’est plu à le présenter le directeur d’Aquitainis, jugeant que le quartier avait tout pour jouer sur ces atouts-là :

« Lorsqu’il a été construit sur des marécages, le slogan pour attirer les habitants, c’était « Venez vivre dans la nature ! » Aujourd’hui, on peut ainsi y trouver ce qu’on va chercher à Ginko : des arbres, de l’air, du ciel, des espaces pour les enfants. On a même une chaufferie collective au gaz, et on envisage de remettre en service deux puits de géothermie, qui nous permettraient d’assurer notre propre production d’énergie renouvelable. »
Aquitainis

Améliorer l’image du quartier et diversifier sa population

Pour changer l’image injustement négative du quartier, le plan d’aménagement a prévu un large travail sur les espaces publics et les lieux de rencontre, propre à influer sur l’atmosphère générale et sur l’idée du Grand Parc que se font les Bordelais et les nouveaux habitants.

C'est passé par une limitation de la circulation des voitures et une promotion des modes de déplacement doux, un travail d’aménagement des espaces verts visant à rendre les pelouses aux habitants, mais aussi par la création d’une place publique et d’un Parvis des fêtes, installé devant la Salle des fêtes restaurée.

« On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, et c’est pourquoi nous allons construire sur le toit des bâtiments 8 villas entièrement vitrées, dignes d’un loft bobo des Chartrons ! Cela sera le spot urbain dont tout le monde va parler. »
Bernard Blanc, directeur général de l’office public HLM de la Communauté urbaine de Bordeaux (CUB) lors de la réalisation du projet Grand-Parc

La dizaine de T6 et de T5 en duplex au dernier niveau a répondu à cette ambition. Car le but a également été de diversifier la population habitant le quartier, et d’y introduire davantage de mixité, notamment en attirant des jeunes (dans ce quartier vieillissant, 30% des habitants avaient plus de 65 ans quand les travaux ont démarré). Donc en jouant avec leurs codes et leurs goûts.

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Un enjeu : interroger les jugements portés sur les grands ensembles

Alors que Bordeaux lanc des opérations urbaines avec le projet de construction du Pont Simone Veil à Floirac et la rénovation des boulevards ; par cette opération réussie, les aménageurs ont permis de réinterroger la question du logement, fondamentale sur l’agglomération. Leur point de vue ? C’est une question complexe et plurielle, qui nécessite des réponses diverses et adaptée, qui peuvent aller de la construction ex-nihilo à la réhabilitation du parc existant.

Ils ont aussi permis de questionner les jugements portés sur les grands ensembles, en mettant la technique industrielle au service de la qualité d’usage offerte aux habitants. En ce sens, le Grand-Parc est exemplaire : il est la preuve qu’une transformation pertinente et économe peut produire, à partir d’existants jugés a priori sans qualité et perçus négativement, des logements généreux, confortables et énergétiquement performants.

Il confirme en même temps qu’il est possible de modifier et d’améliorer la typologie d’un logement, ses conditions de confort et le plaisir de l’habiter, pour un prix non négligeable (64.500 euros par logement), mais pour « deux fois moins cher qu’un T4 neuf sans jardin d’hiver ni réglage bioclimatique », comme l’a estimé Bernard Blanc.

La requalification de l’îlot Counord

Achevée en 2018, la restructuration de l'îlot Counord, à proximité de la Cité du Grand-Parc, a nécessité une lourde opération urbanistique. C’est l’ensemble du site, articulé autour d’un centre commercial peu visible et vieillissant, qui a dû être repensé.

Les travaux se sont déroulés en trois phases :

  1. Démolition du centre commercial et d'un immeuble de bureaux
  2. Construction de bâtiments bénéficiant d'une certification Bâtiment énergie environnement (supérieure à la RT 2012) accueillant 69 logements du T1 au T5, 11 commerces et des bureaux
  3. Aménagement des espaces extérieurs : placette, parkings, plantations
© Ville de Bordeaux

L’emblématique salle des fêtes du Grand-Parc, fraichement rénovée, a pu rouvrir pour l’entrée dans l’été 2018. Ses multiples espaces (accueil, scène, gradins, parvis...) ont tous bénéficié d’une réhabilitation complète, qui leur permettra d’accueillir au mieux les spectacles professionnels tout en préservant une mixité des usages, qu'ils soient culturels, associatifs, familiaux ou scolaires.

Car cette Salle des Fêtes est un équipement culturel atypique. Elle est la salle de concert d’envergure qui, sur trois décennies, a vu passer nombre de légendes de la musique, parmi lesquelles The Cure, Iggy Pop, Metallica, The Stranglers, Texas, Joe Jackson, The Ramones, Jean-Jacques Goldman, Téléphone, Rita Mitsouko, et Noir Désir, accueilli et soutenu là à ses débuts. Mais elle est aussi un lieu central de sociabilité et de convivialité du quartier.

C’est cette délicate alchimie qui fait tout son caractère. Construite en 1965 par les architectes Claude Ferret, Robert Rebout et Serge Bottarelli, la Salle des Fêtes du Grand-Parc a accueilli des spectacles et des concerts jusqu'au début des années 90, avant d’être désaffectée pour des raisons de sécurité.

Il a donc semblé primordial de restaurer l’espace et l’usage de ce lieu phare de la vie musicale et socio-culturelle bordelaise. Pour ce faire, le Ville a mené un cycle de concertations avec les habitants du quartier pour définir sa démarche de rénovation de la salle. En a découlé un nouveau projet architectural, conçu par le cabinet d’architecture Christophe Hutin.

Pour sa seconde vie, la Salle des fêtes a donc été pensée dans une continuité avec son identité première. Un espace public ouvert et un lieu accessible à tous, où la vie culturelle se marie avec harmonie à la vie sociale et associative, sans que l’un n’empiète sur l’autre. Les travaux ont duré deux ans, et ils ont permis au lieu de retrouver un cachet qui devrait faire de nouveau parler de lui.

Aménagement de la place de l’Europe

Constituant pourtant l’essentiel du cœur de quartier, la place de l'Europe est aujourd'hui un lieu difficilement appropriable, où les habitants et les usagers ne font que passer. Son réaménagement vise à régénérer le site en profondeur, afin qu’il devienne un espace public central de qualité.

La place de l’Europe remplit une fonction primordiale pour le Grand Parc, puisque c’est elle qui accueille toutes les infrastructures qui participent à la vie du quartier : mairie de quartier, écoles, centre commercial, Poste, CPAM… Sa requalification, qui doit se terminer en 2019, est donc très attendue. Si elle est à son tour une opération réussie, les aménageurs pourraient réussir leur défi d’origine : changer l’image du quartier en y insufflant une vie nouvelle.

Si tout se passe comme prévu, la place de l'Europe de demain sera :

Concertation sur l’aménagement du Parc

Le réaménagement du parc du quartier, qui lui donne son nom, est en phase d’avant-projet depuis juin 2018. C’est la maîtrise d'œuvre paysagère Exit paysagistes et associés qui gère la concertation sur le devenir de ces espaces verts étalés sur 8 hectares, via des ateliers participatifs auxquels sont associés les habitants volontaires. Les deux premiers se sont tenus en octobre et en novembre 2018.

En s’appuyant ainsi sur les expériences des usagers et des habitants du Grand Parc, les aménageurs souhaitent enrichir et diversifier la concertation engagée tout en favorisant le développement du projet et sa mise en œuvre.

Le mot d’ordre est celui-ci : il s’agit de créer un nouveau parc public, à la fois plus ouvert sur la ville et plus intime. L'aménagement, prévu à partir de mi-2019, doit durer 4 ans en tout. Il proposera :

Les aménageurs souhaitent que les habitants puissent s’approprier aisément et rapidement ces nouveaux espaces publics, prévus pour permettre des usages différenciés mais harmonieux et complémentaires. La volonté première, et dernière, est de rendre le parc aux habitants, afin qu'il devienne pour eux un réel lieu de vie.

Pour cela, il a fallu hiérarchiser les espaces et clarifier ses usages pour les diversifier. Dans le projet d’aménagement, le parc s’est ainsi vu divisé en trois grandes bandes thématiques : espaces de détente, espaces de loisirs et de sports, et jardins partagés.
Dans le même temps, la requalification de ces espaces verts devra permettre de donner une trame plus claire au quartier, en redéfinissant les limites paysagères du parc, ainsi qu’en menant une réflexion sur la signalétique et l'éclairage.

La transformation des 530 logements du Grand-Parc en lice pour un nouveau prix d’architecture

Nouvelle reconnaissance en vue pour le Grand-Parc en 2019 ! Le pari architectural réussi des architectes Lacaton & Vassal, Frédéric Druot et Christophe Hutin s’est vu nominer fin 2018 pour le Prix Mies van der Rohe 2019, parmi 40 autres projets répartis dans 17 pays européens, dont 7 en France.

Cette entreprise de transformation-rénovation des bâtiments Gounod, Haendel et Ingres au Grand-Parc de Bordeaux a su toucher par son originalité et par la qualité de sa réalisation, digne des plus belles œuvres d’architecture moderne. Elle avait déjà été couronnée d’un prix international, le Living places Simon Architecture Prize, en 2016.

Le prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine Mies van der Rohe est décerné tous les deux ans depuis 1987, et vise à récompenser la qualité architecturale en Europe. Ce prix couronne des œuvres récentes, de moins de deux ans, réalisées dans les pays participants au programme Culture 2000.

Les deux bâtiments lauréats (du prix de l’Union européenne pour l’Architecture contemporaine, et de la mention spéciale Jeune architecte) seront dévoilés en avril 2019.

Sources :

 

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