En 2020 : le nouveau visage de la place Gambetta à Bordeaux
SOMMAIRE
- Petite histoire de la place Gambetta
- L’identité de la place Gambetta
- Bientôt, une « place-jardin » remplacera le jardin de la place
- L’aboutissement d’une longue concertation
- Un dialogue architectural entre les façades XVIIIe et le jardin à l’anglaise
- La faune et la flore mises à l’honneur
- La fontaine, deux usages pour le jardin
Alors que Bordeaux compte notamment rénover ses boulevards, la place Gambetta restait la grande abandonnée des plans de rénovation de l’hypercentre bordelais. Étouffée depuis plus d’un siècle sous les flux circulatoires, elle est seulement en passe de respirer à nouveau.
Le projet d’aménagement est complet, et ambitieux : il prévoit la création d’une véritable « place-jardin » bien plus végétale, plus accueillante pour les piétons et plus harmonieuse dans sa gestion des différents flux circulatoires. Les espèces d’arbres moins hauts qui ont été choisies pour habiter le jardin permettront aux Bordelais de redécouvrir les façades XVIIIe qui font tout le cachet de ce lieu historique, et d’ouvrir un dialogue architectural entre ces éléments identitaires minéraux et le jardin pittoresque à l’anglaise, qui offrira des couleurs changeantes et des volumes variés.
Le cœur du jardin montrera des allées sinueuses et de vastes pelouses ombragées qui inviteront au repos comme à la balade, tandis qu’une fontaine modulable apportera un élément de fraicheur et de divertissement au lieu.
Les trottoirs seront tous élargis, partiellement piétonnisés, et les commerces de la place devraient également bénéficier d’un rafraichissement : ce sera le cas de la brasserie du Régent, qui devrait retrouver sa vocation originelle, et de l’immeuble qui abritait autrefois Le Printemps, où un prestigieux projet d’ensemble hôtelier est en train de se dessiner.
Petite histoire de la place Gambetta
Au XVIIe siècle, le Bordeaux historique était encore entouré de remparts. La ville fortifiée s’ouvrait à l’Ouest par deux portes : la porte Dauphine et la porte Dijeaux, qui donnaient alors sur des faubourgs encore non structurés.
Le XVIIIe siècle marque un tournant majeur dans l’évolution urbaine de Bordeaux : en détruisant les murs d’enceinte, l’intendant Tourny met aussi en place un plan d’ensemble du tour de ville, qui structurera la future métropole. À ce moment-là, la place Gambetta est encore à la limite entre le centre historique et la ville nouvelle, et ouvre déjà sur les longues perspectives urbaines qui font la caractéristique de la cité bordelaise depuis lors.
Elle commence alors à devenir un centre de commerce et d’échanges, et bientôt un nœud de circulation. Au début du XIXe siècle, les flux s’organisent autour d’un espace central rond délimité par des bornes en pierre reliées par des chaines. Il faudra attendre la fin du siècle pour que s’installe le jardin à l’anglaise (très à la mode alors !) sur l’espace central. Les aménageurs bordelais y implantent dans le même temps un square, qui sera inauguré en 1902.
Le tramway fait son apparition en 1890, et l’automobile le suit de près. La place Gambetta entre alors dans le plan de conception d’un vaste réseau de circulation avec croisement de lignes. Le lieu est progressivement encerclé par l’automobile. Le tramway est supprimé dans les années 50, et ce sont les bus qui vont le relayer.
À la fin du XXe siècle, l’enjeu du déplacement automobile devient majeur, à la fois à l’échelle de la ville et à celle de la communauté urbaine. On aménage les cours et les boulevards pour permettre la circulation, on crée la rocade, le trafic s’intensifie et se densifie, et Gambetta devient le site centrale de la régulation des flux.
Depuis le début du XXIe siècle, le tramway est revenu au goût du jour, et il se réimplante rapidement dans le paysage bordelais. Il permet de relier les villes-centres périphériques à la ville historique. Quand est abandonné le projet d’une ligne reliant la gare à l’Esplanade des Quinquonces en passant par les cours entourant le centre historique, la place Gambetta est exclue de fait du programme de réhabilitation qui concerne les secteurs où devait passer le tramway. Pire, elle hérite de toutes les lignes de bus, si bien qu’elle devient en 2010 une plateforme de régulation du réseau de transports de la métropole, et voit 16.000 passagers transiter tous les jours.
L’identité de la place Gambetta
La place Gambetta a longtemps été considérée par les Bordelais comme la place « chic » de la ville. Durant plusieurs décennies, sur la fin du XXe siècle, l’animation nocturne se concentrait en deux lieux à Bordeaux : la place de la Victoire vivait alors d’une ambiance populaire ou étudiante, tandis que la place Gambetta accueillait les classes sociales les plus aisées.
Dans le milieu des années 2000, la ville se redessine et retrouve un dynamisme certain, qui vient contraster avec une longue période où elle est restée la « Belle endormie ». Les lieux d’animation se multiplient et se développent, et la place Gambetta perd peu à peu son attrait.
Les plans de circulation des transports en commun ne vont pas pour arranger les choses : la place devient un axe incontournable pour de nombreuses lignes de bus, et étouffe peu à peu sous la densification du réseau.
Mais Gambetta est aussi une place verte, qui voit vivre sur son terre-plein central plus d’une trentaine d’arbres, auxquels les habitants sont restés très attachés.
Elle est également le lieu du « Régent », la fameuse brasserie à l'angle du cours Georges Clémenceau, qui a subsisté de manière presque continue depuis 1893. D’abord réputée pour être un lieu convivial, l’enseigne est vite devenue, pour une certaine élite, le lieu où il faisait bon être vu en terrasse. Depuis, le Régent a été vendu, et la pizzéria qui a pris sa place n’a pas vraiment eu le succès escompté. Il est probable que le Régent vienne à renaître prochainement, et retrouve une offre plus en phase avec son identité d’origine.
L’autre bout de la place, entre la porte Dijeaux et la rue du Docteur Nancel Pénard, a longtemps été occupé par les vitrines du magasin Le Printemps, l’une des premières enseignes de « grands magasins ». L’immeuble a été vendu, il a changé de mains, et l’on parle aujourd’hui de redonner au lieu son cachet en le transformant en un prestigieux ensemble hôtelier.
Bientôt, une « place-jardin » remplacera le jardin de la place
Tout cela est en passe de changer. La place Gambetta devrait prochainement retrouver une cohérence urbaine, un intérêt, et une allure qui lui permettent de renouer avec les Bordelais. La Métropole et la Ville se sont enfin engagées dans un plan de rénovation du secteur. L’opération s’élèvera au total à plus de 9 millions d’euros. Les travaux sont engagés depuis novembre dernier, et ils doivent s’achever à l’été 2020.
Il est prévu que l’îlot central isolé par la route disparaisse au profit d’une végétalisation bien plus globale de la place. En fait, Gambetta doit devenir une véritable « Place-jardin » :
- La place doit se muer en un espace vert très ouvert, mieux relié aux espaces piétons
- Son aménagement devra valoriser les plus beaux arbres du site
- La déviation du trafic routier à l’Ouest des façades permettra la piétonisation de la moitié Est de la place, où sera réintroduit le rythme lent du piéton, notamment grâce à l’élargissement de tous les trottoirs en pied d’immeubles
L’aboutissement d’une longue concertation
Cet aménagement, consacré à la mutation d’une place aussi emblématique de la Ville, a nécessité un long processus de concertation. Depuis 2013, la mairie du quartier centre a accueilli de nombreux ateliers de réflexion autour du devenir de Gambetta : les associations de commerçants, l’association SOS Gambetta et les habitants du secteur se sont réunis pour exprimer leurs attentes et leurs besoins, notamment en ce qui concerne les usages du lieu, et ceux qu’il pourrait permettre.
En 2014, Bordeaux Métropole et la Ville ont lancé un concours de maîtrise d’œuvre. Parallèlement, une concertation réglementaire s’est tenue, du 1er décembre 2014 au 24 juillet 2015, qui a permis aux habitants de s’exprimer sur les registres, le site internet de Bordeaux Métropole et lors de réunions publiques.
Toutes ces contributions ont permis de définir et d’affiner les objectifs du plan d’aménagement, et de nourrir le cahier des charges confié aux concepteurs. Entre mars 2015 et septembre 2016, les deux entités communale et métropolitaine ont lancé le concours final pour l’opération : ont été sélectionnées les équipes admises à concourir, et finalement fut choisi le projet lauréat du concours. C’est celui du groupe West 8 qui a fini par l’emporter. L’équipe retenue est pluridisciplinaire, et compétente sur un vaste panel de champs d’action. Elle se compose de :
- West 8, un groupement d’architectes de Rotterdam
- Sabine Haristoy, une paysagiste DPLG bordelaise
- Le CETAB, un bureau d’études techniques voirie et réseaux bordelais
- Les éclaireurs, une structure de concepteurs lumière de Lyon
Le projet a voulu sublimer la richesse du patrimoine architectural existant, et recomposer le jardin central en l’amplifiant et y incluant de larges espaces piétonniers. Un travail sur le rythme du lieu a également été mené, afin que cohabitent en harmonie la vie du « jardin » et celle des flux circulatoires. Le projet propose deux rythmes :
- le rythme rapide des flux et des activités sur le contour de la place
- le rythme lent du jardin
C’est un véritable plan d’ensemble, très complet et attentif aux détails, qui a été développé.
Un dialogue architectural entre les façades XVIIIe et le jardin à l’anglaise
Les zones pavées ont été pensées pour que leurs tons et leurs matériaux se marient agréablement dans l’ensemble, et donnent un écho aux façades tout en offrant une continuité du sol depuis les rues alentour. Le pavage sera donc essentiellement fait de dalles grises et beiges, dans une pierre calcaire qui devient la matérialité prépondérante du projet, et qui permet de souligner les éléments identitaires de l’architecture existante.
L’ambition est en fait celle-ci : permettre que s’instaure un « dialogue » entre les façades historiques de la place et le paysage pittoresque du jardin à l’anglaise ici retravaillé. Les façades, qui datent du XVIIIe siècle, sont inscrites à l’inventaire des Mouvements Historiques depuis 1927, et la porte Dijeaux est classée depuis 1921. Trois immeubles de la place ont également bénéficié d’un classement au patrimoine : les n°11 et 12bis en 1924, et le n°24 en 1963.
Le jardin redessiné s’inspirera pleinement de la typologie des squares anglais, avec un socle composé d’une bordure de pierre, qui serpentera le long de ses contours et se déformera pour marquer ses entrées.
La faune et la flore mises à l’honneur
La végétalisation du site elle-même a été largement repensée, afin de mettre à l’honneur une vaste palette d’essences d’arbres, qui offriront des feuillages, des tons et des temps de floraison variés, qui évolueront avec le rythme de la place-jardin.
La place comptera un total de 71 arbres, pour 38 auparavant. Un compte positif donc, mais qui n’a pas plu à tout le monde. Car il a nécessité l’abattage des 17 marronniers qui habitaient la place depuis si longtemps, et étaient chers aux Bordelais. Un collectif de défense s’était même formé pour qu’ils soient conservés, mais les études ont montré que leur système racinaire était très déséquilibré, et qu’ils ne pourraient pas se développer dans un autre contexte. Leur replantage n’était donc pas possible, et ils avaient pour défaut d’être très hauts, ce qui ne permettait pas d’ouvrir la vue sur les façades comme il était voulu. Un seul de ces marronniers, le plus petit d’entre eux, sera transplanté.
Les Bordelais devront donc accepter le sacrifice de ces grands arbres au profit d’espèces plus petites, d’arbustes et de bosquets (14 essences ont été sélectionnées au total), qui permettront de retisser le lien entre la place-jardin et les façades. Au final, l’emprise des espaces verts sur le site passera de 2.392m² à 3.851m².
Certains des végétaux qui quitteront la place ont toutefois pu être récupérés : ils seront répartis entre l’hypercentre et la nouvelle réserve écologique des Barails. Les vivaces et les plantes aquatiques seront replantés dans le centre, et les arbustes, en majorité, dans cette réserve. Quant aux poissons du bassin, des « Guppys » qui servaient notamment à lutter contre les moustiques, ils seront récupérés en janvier par une association de pêcheur qui remettra en place dans un milieu naturel plus adapté.
Les promeneurs pourront ainsi profiter d’un espace plus aéré, plus divers en espèces et en jeux paysagers, que les allées sinueuses et les vastes pelouses ombragées ici aménagées les inviteront à contempler le temps d’une promenade ou d’une pause en cœur de jardin.
La fontaine, deux usages pour le jardin
La fontaine enfin, dernier élément-clé de cette place-jardin, viendra apporter un élément de fraicheur à l’ensemble tout en offrant une animation originale aux grands comme aux petits. Cette fontaine d’un genre un peu particulier sera modulable : simple placette quand elle est sèche, elle pourra se muer tantôt en miroir d’eau, tantôt en fontaine avec jets. L’idée est d’en faire un lieu polymorphe où l’on puisse à la fois venir s’asseoir et venir jouer, un lieu de rencontre et de détente que les Bordelais pourront s’approprier.
La bordure extérieure du jardin permettra de le préserver des nuisances du trafic routier, tandis que sa bordure interne accueillera des assises en pierre tout le long du parc, destinées aux passants de la rue piétonne comme aux usagers du jardin.
Commentaires à propos de cet article :
Ajouter un commentaire